A la tête du Conseil national économique et social (CNES) depuis décembre 1996, M. Mohamed-Salah Mentouri a déposé, la fin de la semaine dernière, sa demande de démission auprès du chef de l'Etat. Même si le personnage a toujours évolué dans les structures de l'Etat, d'abord comme directeur général de la Sécurité sociale, deux fois ministres (Travail et Affaires sociales puis Santé et Affaires sociales), et président du Comité olympique ainsi que vice-ministre chargé du Sport, il n'en demeure pas moins que les bribes d'informations que des sources proches de l'institution ont bien voulu souffler aux journalistes tranchent avec le discours lénifiant, en vogue actuellement. Les documents élaborés par le CNES sur divers secteurs d'activité dans le pays ainsi que les rapports de conjoncture témoignent d'une rigueur dans l'analyse et la non-complaisance dans les constats, malgré le caractère consultatif du conseil. En claquant la porte de l'institution qu'il présidait, M. Mentouri, qui dit « ne pas vouloir trahir » ses principes, a révélé qu'une tension quasi permanente était entretenue par le gouvernement pour « empêcher le CNES de faire son travail » parce qu'il refuse de « travestir la réalité ». En 2002 déjà, M. Mohamed-Salah Mentouri avait répliqué en soupçonnant des velléités de mise au pas du conseil qu'il se refuserait « de se complaire dans un rôle peu reluisant de chambre d'enregistrement relayant obséquieusement le discours officiel et prodiguant des satisfecits onctueux auxquels la réalité aurait apporté des démentis cinglants quotidiens ». Reste à savoir si son successeur restera sur la même ligne de démarcation quant aux velléités de l'Exécutif de mettre « hors d'état de nuire » toutes les voix discordantes. Cela dit, il reste que le conseil n'est pas réductible à la personne de son président, fut-il, d'une droiture exemplaire, pour expliquer un changement de cap à venir ou probablement son maintien. Organe consultatif permanent de dialogue et de concertation dans les domaines économique, social et culturel, le CNES est régi par les dispositions du décret présidentiel n°93-225 du 5 octobre 1993. Etant l'un des organes « rescapés » de la période dite de « transition ». Se réunissant en session ordinaire, trois fois par an (automne, hiver et printemps), le CNES peut être saisi par le chef de l'Etat ou le chef du gouvernement de tout dossier, projet de loi ou règlement entrant dans le champ de ses compétences qu'ils jugent utiles de lui soumettre. Mais paradoxalement, le chef du gouvernement, sur avis contraire, peut intervenir pour la non-publication des documents résultant des travaux du conseil, selon l'une des dispositions du conseil. C'est dire la fragilité de ce genre d'institution dont l'autonomie ne peut être garantie que par sa distance avec le gouvernement. La 24e session du CNES a été caractérisée par une contribution sur un thème sensible que pose la question de la maîtrise et de l'accès à l'information économique et sociale dans le pays. Un document élaboré sur autosaisine du CNES faut-il le rappeler. Le chef du gouvernement a indiqué, lors de son intervention, qu'il n'y aura pas d'information économique tant que l'entrepreneur rechigne à s'informer sur ses activités auprès des chambres de commerce ou autres cadres d'appui. Un dialogue de sourds s'est décidément installé.