Grande première demain au Brésil où se tiendra le sommet monde arabe-Amérique latine, premier du genre. Toutefois, retient-on d'ores et déjà, un chef d'Etat arabe sur quatre sera présent dans la capitale du géant sud-américain, un sous-continent, où les habitants arabes ou d'origine arabe sont forts nombreux. Ils ont même donné au monde un chef d'Etat en la personne de l'ancien président argentin Carlos Menem. Tel qu'envisagé par son initiateur, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, ce sommet devait marquer un tournant dans le rapprochement des ensembles arabe et latino-américain. Un tel objectif est-il déjà compromis ? Plusieurs dirigeants arabes seront absents de cette conférence préparée depuis deux ans. Le président égyptien, Hosni Moubarak, chef du pays arabe le plus peuplé (72 millions d'habitants), charnière entre l'Afrique et l'Asie, a délégué son ministre des Affaires étrangères Ahmed Aboul Gheit. Le prince héritier, Abdallah Ben Abdel Aziz, qui règne de facto sur l'Arabie Saoudite, ne fera pas non plus le déplacement, comme le roi Mohammed VI du Maroc, reçu pourtant en grande pompe à Brasilia en novembre 2004, dans le cadre des préparatifs à ce sommet. Parmi les autres absents de marque figurent le président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, le roi Abdallah II de Jordanie et le colonel Mouammar Kadhafi, chef de la Jamahirya libyenne. Quant au président Abdelaziz Bouteflika, il représentera à la fois l'Algérie et la Ligue arabe, dont il est le président en exercice. Il y demeurera pour une visite d'Etat de deux jours. L'Irak sera représenté par son nouveau chef d'Etat, Jalal Talabani, et les Palestiniens par le président Mahmoud Abbas. Commentant ces données, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a regretté le faible niveau de la représentation arabe. « J'aurais souhaité une participation arabe plus importante au sommet », a-t-il déclaré à la presse à son arrivée à Brasilia, en annonçant que les sommets Amérique latine-Ligue arabe se tiendront désormais d'une manière périodique, peut-être tous les deux ans. Quelle explication donner à ces défections ? On peut parler de peu d'intérêt pour les pays arabes de s'engager dans un tel processus. Mais, selon des diplomates arabes à Brasilia, de fortes pressions américaines se seraient exercées sur plusieurs pays arabes afin que leur chef d'Etat ne se rende pas au sommet. Les Etats-Unis ont demandé au Brésil s'ils pouvaient y assister en tant qu'observateur mais leur demande a été rejetée, selon ces diplomates. Et l'explication tiendrait aux discussions, voire à la déclaration finale connue dans ses grandes lignes. Selon le projet de déclaration finale du sommet, les participants doivent adopter une position critique envers Israël, en demandant notamment le démantèlement des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens, et apporter leur soutien aux Palestiniens. Ils doivent en outre exprimer leur opposition aux sanctions unilatérales imposées par Washington à la Syrie et affirmer « le droit des Etats et des peuples à résister à l'occupation étrangère », en insistant sur le « respect de l'unité territoriale de l'indépendance et de la souveraineté de l'Irak ». De son côté, le président Lula plaide en faveur du développement des relations sud-sud à susciter des réserves de ses voisins, dont l'Argentine, qui craignent que ce rapprochement ne se fasse au détriment de marchés plus intéressants. Les échanges commerciaux entre le Brésil et les pays arabes ont totalisé 8,1 milliards de dollars en 2004 (+49,7% sur 2003), avec un équilibre des exportations et importations, selon des chiffres brésiliens. Par sa consonnance, cette revendication recoupe celle des pays non-alignés qui appelaient jusqu'à la fin des années 1980 au développement de la coopération sud-sud, par opposition à celle avec le nord, marquée par de profondes inégalités. Les temps ont peut-être changé avec le phénomène de la mondialisation, mais les problèmes demeurent inchangés.