Le public s'attendait à passer une soirée banale face à un opéra des plus classiques. Et c'est peut-être pour cette raison que la salle Ibn Khaldoun ne s'est remplie qu'au tiers. Les absents ont eu tort. Ce fut l'une des plus extraordinaires soirées qu'ait accueillies cette salle. A 21h précises, quatre superbes jeunes femmes, vêtues de noir, font leur entrée sur scène et prennent possession de leurs instruments : trois violons et un violoncelle. Le quatuor Ivana. Sans préambule, elles entament un morceau de Bach. Première impression : elles semblent timides, réservées, ce qui cadre parfaitement avec le style de leur musique. Puis, Ives Baron, le ténor, arrive sur scène, les yeux brillants d'une fièvre exaltante. Il chante un superbe morceau avant d'être rejoint par ses partenaires avec lesquels il forme le trio : François Xavier, pianiste, et Julie Victor, soprano. Après une ou deux interprétations, Julie prend la parole. « Bonsoir Alger. C'est la première fois que je prends un thé à la menthe... », dit-elle en riant. Le public est déjà séduit par cette belle femme pour le moins sociable. Elle poursuit : « Nous avions un peu le trac, parce que c'est la première fois que nous jouons chez vous, mais nous sommes tous très heureux. » Le quatuor se retire. Les deux superbes voix, accompagnées du piano, interprètent Pour toi, un extrait de l'opérette Ta bouche, de Morice Ivan. Puis, le ténor, seul cette fois-ci, Le Barbier de Belleville, d'Alice Dona. Une opérette comique où un spécialiste des cheveux et de la barbe se plaint de ne pas avoir une belle voix pour chanter l'opéra. Amusé, le public se fait complice. Julie revient pour chanter, seule avec le piano, un extrait du Fantôme de l'opéra. De son rire franc et sincère, sa personne diffuse dans l'air beaucoup de chaleur et d'amour. Le quatuor est de retour. Sarah prend la parole : « On est ravies d'être là. Ça fait deux jours qu'on reçoit plein de chaleur. » Elles interprètent une douce musique hongroise avant le retour du pianiste et du ténor. Avant de s'attaquer au magnifique Dona emobil de Verdi, Yves Baron précise : « On est ému et flatté. On a beaucoup d'amis et de proches qui ont vécu ici. » Les allers et retours des uns et des autres se poursuivent pour interpréter du Puccini, des extraits de West Side Story, un peu de jazz, et, pour finir, du Boccelli, dans une ambiance complice et complaisante avec le public. Une immense ovation et des bouquets de roses marquent la fin du spectacle. D'un côté comme de l'autre, une vive émotion et beaucoup de bonheur se mêlent et s'entremêlent. Les spectateurs en veulent encore, mais la fin ne justifie pas toujours les moyens. Le concert aura duré plus d'une heure et demie et la joie distillée devrait longtemps marquer les présents. Dans les loges, le quatuor et le trio nous accueillent avec beaucoup de joie et d'émotion. Les cinq femmes sont impressionnantes : belles comme des anges et gracieuses comme des danseuses de ballet. Hélène nous avoue qu'ils sont tous très émus, qu'ils ne s'attendaient pas à un tel accueil, malgré le nombre réduit des spectateurs. Par ailleurs, elle nous confie que le quatuor et le trio se sont produits ensemble pour la première fois. « Nous avons conçu ce spectacle spécialement pour Alger », nous explique-t-elle. Leur timidité fait partie d'un jeu de scène. « Cela fait partie de notre identité, nous avons eu une formation très classique (diplômées des conservatoires de Paris) et nous sommes très respectueuses de cette musique, mais notre objectif est d'allier le feu et la glace », donc, « dépoussiérer cette belle musique, l'emballer et la resservir avec une autre structure sous la forme d'un spectacle ». Et pour finir, « nous reviendrons avec plaisir ».