Applaudie par une partie de la classe politique française et étrangère mais également décriée par une frange entière d'associations, la politique engagée, du moins verbalement, par les cinq pays les plus peuplés d'Europe (Espagne, France, Italie, Grande-Bretagne et Allemagne) sur l'immigration clandestine rebondit. A quelques jours du référendum sur la Constitution européenne en France, ce groupe des « 5 », par la voix de ses ministres de l'Intérieur, a décidé jeudi dernier, en réunion extraordinaire, de durcir sa politique à l'égard de l'immigration illégale. « Nous voulons réfléchir à la création d'une force de police européenne d'intervention aux frontières » extérieures de l'Union européenne, a déclaré le ministre français Dominique de Villepin. Une police, a-t-il ajouté, « (...) qui pourrait préfigurer de ce que pourrait devenir une police européenne ». Ce qui permettrait, indique-t-on, de donner à l'Agence européenne pour la gestion des frontières extérieures, créée le 1er mai dernier, les moyens de sa politique. Tandis que le ministre français de l'intérieur s'alarme devant l'ampleur grandissante de l'intrusion illégale d'étrangers sur son territoire, l'Espagne se mesure par une politique intérieure plus nuancée. Quelque 700 000 clandestins viennent d'ailleurs d'être légalisés sur le territoire espagnol. « (...) Cela a été convenu à la suite de conversations franches », rassure M. de Villepin. « Ces régularisations ne posent aucun problème à nos partenaires européens, car les 700 000 étrangers régularisés travaillent en Espagne et vont y rester », confie encore, le ministre de l'Intérieur espagnol, Jose Antonio Alonso Suarez. De Villepin critiqué Concertation, peut-être, mais pas fusion. Le ministre espagnol entend bien conserver toute latitude à la résorption du problème des clandestins. « Il y a une politique européenne mais des solutions qui ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre », déclare le ministre espagnol. La nuance : peuvent être accueillis « ceux qui peuvent être absorbés par nos marchés de l'emploi », précise le ministre de l'Intérieur espagnol. Le ton est plus dur du côté de l'Italie et de la France. Le ministre de l'intérieur français s'émeut sur le sujet en soulignant la nécessité de pouvoir rapidement répondre « en cas de crise ». Le ministre italien, en écho, reconnaît « l'importance qu'elle y accorde et encourage la création d'une force rapide d'intervention », renchérit Giuseppe Pisanu. D'ailleurs, 500 immigrés clandestins débarqués sur l'île sicilienne de Lampedusa viennent d'être transférés dans un centre d'hébergement près de Crotone dans le sud de l'Italie, ont indiqué les autorités locales, jeudi dernier. « Plus d'un millier d'immigrés clandestins avaient débarqué entre lundi et mercredi sur l'île de Lampedusa, portant à saturation le centre d'hébergement sur l'île », rapporte l'APS. Le ministre de l'intérieur allemand Otto Schily s'attache, pour sa part, « à garantir la sécurité des citoyens européens (...) dans un espace de sécurité, de libertés et de droits » que constitue l'Union européenne. Le ministre anglais oriente le débat vers l'accès aérien à l'UE et compte apporter des propositions lors du prochain G5 qui se tiendra à Deauville (France) les 4 et 5 juillet prochain. Reste pour les ministres concernés à faire adopter les nouvelles orientations au sein de leurs pays respectifs. Dominique de Villepin, qui a présenté, mercredi 11 mai, son plan de lutte contre l'immigration clandestine, a vu s'élever quelques réactions houleuses de la part d'associations de défense des droits de l'homme. La Ligue française de défense des droits de l'homme s'indigne en avançant l'argument selon lequel ce type d'action ne fait qu' « entretenir la xénophobie », rapporte le journal le Monde. Il faut également souligner l'intérêt pour les pays européens et les membres du G5 en particulier de s'allier sur une même longueur avec l'Algérie mais aussi avec l'ensemble des pays du Maghreb. Pays par lesquels les actuels clandestins transitent pour s'embarquer illégalement vers les frontières européennes. Si quelques accords ont été entrepris çà et là entre l'UE et l'Algérie pour combattre le phénomène, rien de concret n'est venu soutenir la politique européenne de lutte contre l'immigration clandestine.