Le projet germano-italien de créer des centres d'accueil d'immigrés clandestins dans les pays du Maghreb n'a pas suscité l'enthousiasme de leurs partenaires. Les ministres de l'Intérieur du G5 (Italie, Allemagne, Grande-Bretagne, France et Espagne), réunis à Florence, en Italie, ont reconnu leurs divergences sur le projet alors que l'Italie est déjà engagée dans une grande opération de refoulement via la Libye depuis que ce pays a amorcé son retour sur la scène internationale. “Ces centres d'accueil (n'utilisez surtout pas le terme camp) ne concerneraient que des personnes qui devraient être reconduites vers des pays de transit après avoir été interceptées en mer”, a déclaré le ministre italien, Giuseppe Pisanu. “Il n'est pas question pour la France d'accepter des camps ou des centres d'accueil d'aucune sorte”, a tout de suite rétorqué le Français, Dominique de Villepin. “Nous sommes tous conscients de l'urgence de traiter du problème de l'immigration illégale et nous sommes pour une approche globale”, a ajouté le ministre français. “Il faut aider les pays à la source de l'immigration par des projets de développement pour permettre à ces populations de rester chez elles. Pour les immigrants maritimes, il faut aider les pays de transit, avec le Haut commissariat aux réfugiés et les organisations humanitaires. À aucun moment, l'UE ne doit être maître d'œuvre, nous n'avons pas vocation à prendre en charge des tâches qui reviennent à ces entités”, a affirmé M. De Villepin. Jose-Antonio Alonso a ajouté que l'Espagne était elle aussi contre cette proposition “pour des raisons humanitaires”, jugeant en outre que “ces centres ne sont pas très utiles”. “Le débat n'est pas clos”, a jugé pour sa part l'Allemand, Otto Schily, à l'origine de cette proposition. “L'Allemagne pense qu'il faudra agir car nous ne pouvons pas laisser ces personnes dans la nature”, a-t-il ajouté. La réunion des ministres de l'Intérieur du G5 est intervenue quelques jours après un dernier vol faisant partie d'un pont aérien vers la Libye instauré pour vider un camp de clandestins dans l'île italienne de Lampedusa. “Du 29 septembre au 9 octobre, 1 787 clandestins ont gagné Lampedusa. 1 153 ont été identifiés et refoulés en Libye. Pour être plus précis, il s'agit de 1 119 Egyptiens, 11 Marocains et 23 citoyens originaires du Bangladesh”, avait déclaré Giuseppe Pisanu,devant les députés italiens. Ces refoulements massifs ont valu au gouvernement de Silvio Berlusconi les critiques du Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR). Mais pour M. Berlusconi, dont le pays accueille régulièrement des vagues de clandestins parvenus au bout de leur voyage, le problème de l'immigration est “une priorité absolue”. “L'Italie attribue la priorité absolue et beaucoup d'importance à la politique sur l'immigration, le contrôle aux frontières et la lutte contre le terrorisme”, s'est-il défendu. Il s'est d'ailleurs rendu la semaine dernière en Libye, l'une des grandes plaques tournantes du trafic, où les candidats africains à l'émigration sont estimés entre 1,5 et 2 millions de personnes, mais qui ne fait pas “suffisamment” d'efforts pour juguler l'immigration illégale, selon des diplomates occidentaux. Officiellement, les autorités libyennes affirment attendre la levée partielle de l'embargo européen sur les armes, qui lui était imposé depuis 1986, pour pouvoir acheter divers équipements (vedettes, véhicules tout-terrain, matériel d'observation) lui permettant de mieux contrôler ses frontières terrestres et maritimes. Mais, selon les diplomates occidentaux, le manque d'équipements “n'est qu'un prétexte” utilisé par les autorités libyennes qui veulent situer la question de l'immigration dans le cadre plus large de l'ensemble de ses relations avec l'UE. La Libye affirme avoir des difficultés à contrôler ses milliers de kilomètres de frontières terrestres avec le Niger, le Tchad et l'Algérie, et une façade maritime de plus de 2 000 kilomètres, à quelques milles de la petite île italienne de Lampedusa, halte obligée des clandestins entassés le plus souvent dans des embarcations de fortune. Par ailleurs et s'agissant de la lutte antiterroriste, les ministres de l'Intérieur du G5 ont décidé de rendre obligatoires les empreintes digitales dans les passeports à partir de 2006. Les cinq responsables sont aussi tombés d'accord sur “un échange systématique” de listes d'islamistes radicaux, des “jihadistes”, ayant fréquenté des camps d'entraînement en Afghanistan, en Irak ou en Tchétchénie, selon le ministre français. Jusqu'a présent, ces échanges d'informations n'étaient que ponctuels et fonctionnaient déjà entre l'Allemagne et la France et la France et l'Espagne. Les ministres du G5 sont aussi d'accord sur la “nécessité d'être concret” dans la lutte contre le terrorisme. “Pour frapper le terrorisme au cœur, il faut s'attaquer à son financement”, a affirmé M. De Villepin, soulignant qu'Europol était l'outil adéquat pour relever ce défi. Enfin, ils ont suggéré une “harmonisation européenne des procédures d'expulsion” des différents pays en matière de terrorisme. Le ministre français s'est félicité du “travail fructueux et efficace” du sommet qui a adopté plusieurs propositions françaises en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. La France propose notamment, de coopérer pour bloquer les routes de la drogue et développer les enquêtes communes afin d'agir en amont dans la lutte contre ce trafic. Y. K