En dépit des moyens considérables que l'Etat lui a consacré tout au long de deux décennies, la production d'habitat reste insuffisante et le problème du logement n'a rien perdu de son acuité pour des centaines de milliers de citoyens en quête d'un toit. Sous les effets conjugués de la croissance démographique, de l'exode rural et de la dégradation du vieux bâti, les données du problème sont pratiquement les mêmes qu'en 1980, année durant laquelle l'Etat a décidé de se constituer en promoteur immobilier pour atténuer la crise. Le Trésor public, l'argent des épargnants et d'importants crédits extérieurs avaient été mis à contribution pour porter à bout de bras une industrie de logements essentiellement publique, qui ne réalisera au bout du compte qu'environ 1,5 million de logements en 20 ans. Avec beaucoup moins de moyens, les autoconstructeurs réaliseront presque autant d'habitations (1,4 million) et sans doute le double en surface habitable, tout au long de cette même période. Bien que fort important, l'accroissement du parc logements dû à l'effort soutenu de l'Etat n'a malheureusement pas changé grand-chose au problème. La crise du logement persiste et les données qui la matérialisent aujourd'hui sont à divers points semblables à celles des années antérieures, ce qui peut laisser penser qu'en matière de satisfaction des besoins d'habitat l'Algérie a peu évolué, pour ne pas dire fait du surplace. A titre de rappel, et ces chiffres reviennent comme une litanie dans toutes les réunions bilans, il faut aujourd'hui encore construire au minimum un million de logements pour résorber les demandes en instance et faire face aux nouvelles demandes. Et si on ajoute à cette demande globale les 400 000 habitations précaires en attente de démolition ou de restructuration, le déficit se creuserait encore davantage. En tout état de cause, les autorités concernées se sont toujours accordées sur la nécessité de construire annuellement au minimum 350 000 logements, si on veut ramener l'écart entre l'offre et la demande à un niveau tolérable. Cela suppose un effort financier gigantesque que l'Etat algérien favorisé par des recettes budgétaires exceptionnelles est décidé à faire notamment pour les citoyens à bas et moyens revenus en faveur desquels il compte construire ou aider à construire environ 640 000 logements au cours de ces quatre années à venir. Il faut ajouter à ce chiffre environ 350 000 logements qui seraient déjà en chantier. Il ne s'agit là bien entendu que de l'offre publique à laquelle il faudrait évidemment ajouter toute la production d'habitat promotionnel qui sera l'œuvre de promoteurs et autoconstructeurs privés à laquelle la législation algérienne fait depuis quelques années la part belle. Mais à la différence des programmes de construction passés qui étaient pour l'essentiel financés directement par le Trésor public, ceux qui seront réalisés dans le cadre du programme de soutien à la relance économique le seront par l'intermédiaire des banques, exception faite pour l'habitat rural qui restera entièrement à la charge de l'Etat. Obstacles L'entrée en lice des banques sous-entend que les futurs acquéreurs devront cette fois mettre la main à la poche pour aider au financement de leur logement, l'Etat n'intervenant que pour les solvabiliser au moyen d'aides frontales que leur accordera la Caisse nationale du logement au gré de l'importance de leurs revenus. Cette approche théoriquement séduisante bute malheureusement déjà sur un certain nombre d'obstacles. Le premier et sans doute le plus difficile à surmonter a trait à l'importance considérable de demandeurs insolvables que l'Etat ne pourra à l'évidence jamais satisfaire en totalité. En effet, dans un pays ou plus de la moitié de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, il est impossible d'accorder à tout ce monde les aides auxquelles il pourrait de par la loi prétendre (aides frontales à la construction octroyées par la CNL, subvention au loyer, etc.). Le nombre de citoyens (50 000 par an environ) qui pourraient tirer profit du dispositif actuel d'aide au logement paraît dérisoire au regard du nombre autrement plus élevé (environ 90 000) de personnes ayant besoin du soutien multiforme de l'Etat pour accéder au logement. Le second obstacle et non des moindres a trait à la difficulté de cerner, faute d'outil informationnel, la demande solvable c'est-à-dire le nombre de citoyens capables d'acquérir un logement par leurs propres moyens ou au moyen d'emprunts bancaires que le niveau et la régularité de leurs revenus permettent d'obtenir. Deux contraintes majeures ont brouillé encore davantage la visibilité au cours de ces dix dernières années. Il y a d'abord la forte érosion du pouvoir d'achat des classes moyennes censées constituer l'essentiel de la demande solvable. La très lente évolution des salaires et la hausse généralisée des prix à la consommation ont réduit à la portion congrue leur capacité d'épargne et, par conséquent, leur prétention à acquérir un logement aux conditions actuelles des banques et du marché. Il y a ensuite la cherté des logements qui résulte des coûts de la construction encore trop élevés et de la cherté du crédit immobilier. Pour qu'elle puisse à la fois être massive et répondre aux capacités financières du plus grand nombre, la promotion immobilière a plus que jamais besoin d'être reformée à travers notamment des politiques de crédit et de refinancement mieux adaptées. Il faut en effet se rendre à l'évidence que ceux qui dans le cadre de la stratégie actuelle d'accès au logement promotionnel disposent de la capacité financière requise ne se bousculeront pas aux guichets des promoteurs immobiliers en raison du prix, exagérément élevé et souvent sans rapport avec la qualité. Les demandeurs suffisamment nantis préféreront alors se rabattre sur les terrains à bâtir avec l'espoir qu'ils pourront y édifier, au gré des disponibilités financières, un logement à leur goût et, pourquoi pas, à moindre coût. Au risque de se retrouver, comme c'est déjà le cas, avec des logements promotionnels invendus, il est important que des actions à l'initiative, aussi bien, des promoteurs immobiliers que de l'Etat, soient rapidement engagées pour améliorer la solvabilité de cet important segment de la demande. Les banques qui ont, à l'instar du CPA, commencé à améliorer le processus d'octroi de crédits immobiliers pourraient de leur côté envisager des montages financiers sur une durée d'amortissement plus longue, des taux d'intérêts moins lourds, un apport initial moins conséquent, une limite d'âge d'accès au crédit moins restrictive et, surtout, l'élargissement de l'octroi du crédit logement aux cadres titulaires de contrats à durée déterminée (CDD) aujourd'hui totalement exclus. C'est une aberration à laquelle il faut rapidement mettre fin car l'écrasante majorité de nos cadres sont aujourd'hui recrutés sur la base de contrats à durée déterminée que l'avancée de l'économie de marché est appelée à généraliser dans les toutes prochaines années.