L'Etat algérien a investi, durant ces 15 dernières années, pas moins de 2000 milliards de dinars (environ 25 milliards de dollars) dans la production de l'habitat à caractère social, sans pour autant réduire le différentiel qui n'a pas cessé de se creuser entre l'offre et la demande de logements La crise du logement n'a, de ce fait, pas perdu de son acuité pour des centaines de milliers de citoyens sans grands revenus en quête d'un toit que seul l'Etat peut mettre à leur disposition, moyennant un loyer ou un échéancier de remboursement qui leur est accessible. Sous les effets conjugués de la croissance démographique, de l'exode rural et de la dégradation du vieux bâti, les données du problème sont pratiquement les mêmes qu'en 1980, année durant laquelle l'Etat a décidé de se constituer en promoteur immobilier pour atténuer la crise. Le Trésor public, l'argent des épargnants et d'importants crédits extérieurs avaient été mis à contribution pour porter à bout de bras une industrie de logements essentiellement publique, qui ne réalisera au bout du compte qu'environ 1,5 million de logements en 10 ans, une production à peu près similaire (1,4 million de logements) que réaliseront avec beaucoup moins de moyens les autoconstructeurs - quand bien même la qualité de leurs constructions est souvent contestable. En termes de satisfaction des besoins d'habitat, l'Algérie a peu évolué, pour ne pas dire, fait du surplace. A titre de rappel, et ces chiffres reviennent comme une litanie dans toutes les réunions bilans, il faut aujourd'hui encore construire au minimum un million de logements pour résorber les demandes en instance et faire face aux nouveaux demandeurs. Et si on ajoute à cette demande insatisfaite d'un million de logements les 400 000 habitations précaires (bidonvilles, immeubles insalubres), le déficit se creuserait encore davantage. En tout état de cause, les autorités concernées se sont toujours accordées sur la nécessité de construire annuellement au minimum 350 000 logements si on veut ramener l'écart entre l'offre et la demande à un niveau tolérable. Cela suppose un effort financier gigantesque que l'Etat algérien, favorisé par des recettes budgétaires exceptionnelles, est décidé à faire, notamment pour les citoyens à bas et moyens revenus en faveur desquels il compte construire ou aider à construire environ 640 000 logements au cours des 5 prochaines années. Il ne s'agit là, bien entendu, que de l'offre publique à laquelle il faudrait évidemment ajouter toute la production d'habitat promotionnelle qui sera l'œuvre de promoteurs et autoconstructeurs privés à supposer qu'ils ne soient pas refrénés par l'indisponibilité de terrains à bâtir et par le manque de collaboration des banques. A la différence des programmes de construction passés que le Trésor public finançait directement, ceux du programme de soutien à la croissance économique seront financés par les banques, à l'exception des logements ruraux qui continueront à être à la charge de l'Etat. L'entrée en lice des banques sous-entend que les futurs acquéreurs devront cette fois mettre la main à la poche pour aider au financement de leur logement, l'Etat n'intervenant que pour les solvabiliser au moyen d'aides frontales que leur accordera la Caisse nationale du logement au gré de l'importance de leurs fiches de paie. Cette approche théoriquement séduisante bute malheureusement déjà sur un certain nombre d'obstacles. Le premier, et sans doute le plus difficile à surmonter, a trait à l'importance considérable de demandeurs insolvables que l'Etat ne pourra à l'évidence jamais satisfaire en totalité. En effet, dans un pays ou plus de la moitié de la population vit au dessous du seuil de pauvreté, il est impossible d'accorder à tout ce monde les aides auxquelles ils pourraient de par la loi tous prétendre (aides frontales à la construction octroyées par la CNL, subvention au loyer, etc.). Le nombre de citoyens (50 000 par an environ) qui pourraient tirer profit du dispositif actuel d'aide au logement paraît dérisoire au regard du nombre autrement plus élevé (environ 90 000) de personnes ayant besoin du soutien multiforme de l'Etat pour accéder au logement. Le second obstacle et non des moindres a trait à la difficulté à évaluer la demande solvable, c'est-à-dire le nombre de citoyens capables d'acquérir un logement par leurs propres moyens ou grâce aux emprunts que leurs revenus permettent d'obtenir. Deux contraintes majeures ont toutefois brouillé la visibilité des promoteurs, des banquiers et des demandeurs de logements au cours de ces dernières années. Il y a d'abord la forte érosion du pouvoir d'achat des classes moyennes censées constituer l'essentiel de la demande solvable. La très lente évolution des salaires et la hausse généralisée des prix à la consommation ont réduit à la portion congrue leur capacité d'épargne et par conséquent, leur prétention à acquérir un logement aux conditions actuelles des banques et du marché. Il y a ensuite la cherté des logements qui résulte des coûts de la construction encore trop élevés et de la cherté du crédit immobilier. Pour qu'elle puisse à la fois être massive et répondre aux capacités financières du plus grand nombre, la promotion immobilière a plus que jamais besoin d'être reformée à travers notamment des politiques de crédit et de refinancement mieux adaptées. Il faut en effet se rendre à l'évidence que ceux qui disposent de la capacité financière requise ne se bousculeront pas aux guichets des promoteurs immobiliers en raison du prix, exagérément élevés et souvent sans rapport avec la qualité. Les riches demandeurs préféreront, quant à eux, se rabattre sur les terrains à bâtir sur lesquels ils construiront des logements à leur goût. Au risque de se retrouver, comme c'est déjà le cas, avec des logements promotionnels invendus, il est important que des actions à l'initiative, aussi bien des promoteurs immobiliers que de l'Etat, soient rapidement engagées pour améliorer notamment la solvabilité des classes moyennes auxquelles sont principalement destinés les logements promotionnels. Les banques qui ont, à l'instar du CPA, commencé à améliorer le processus d'octroi de crédits immobiliers, pourraient de leur côté envisager des montages financiers sur une durée d'amortissement plus longue, des taux d'intérêts moins lourds, un apport initial moins conséquent, une limite d'âge d'accès au crédit moins restrictive, mais aussi et surtout, l'élargissement de l'octroi du crédit logement aux cadres titulaires de contrats à durée déterminée (CDD) aujourd'hui totalement exclus. C'est une aberration à laquelle il faudra nécessairement mettre fin si on ne veut pas écarter bon nombre de citoyens, notamment les cadres moyens, de la possibilité d'accéder au crédit immobilier.