Les cas de typhoïde enregistrés dernièrement à Diar Ezzitoune ne doivent pas ameuter outre mesure. C'est une fatalité. La typhoïde, dans ces lieux, n'est qu'une continuité toute naturelle de la déchéance. La cité s'est déjà distinguée en 2002 par de violentes émeutes qui ont occasionné la mort d'un jeune et la blessure de plusieurs autres. Le quartier, rebaptisé depuis cité Bouaouiche, n'est pas encore arrivé à se défaire des reliquats des émeutes. Deux ans après, toutes les promesses faites à la population sont tombées aux oubliettes. A Diar Ezzitoune, le temps ne semble pas avancer et seule la misère prolifère. La typhoïde est donc venue raviver les colères et attiser les vieux démons. Les jeunes rencontrés sur les lieux ne mâchent pas leurs mots, même si un sentiment de lassitude semble les prendre. « on n'a rien fait pour nous. On se contente de se servir de notre misère pour faire de la publicité aux ministres et aux walis qui sont venus nous promettre des merveilles. Puis une fois leurs déplacements rapportés et ‘'gonflés'' par la presse, ils oublient Diar Ezzitoune », disent-ils. Les vieux, eux, racontent que le temps s'est toujours figé dans leur quartier. Rien n'a changé pour eux, sauf peut-être « la décrépitude de ces maisonnettes qui s'écroulent de jour en jour ». Le reste n'est qu'un immense bidonville en parpaing où vivent plus de 6000 habitants. Les promesses faites sous forme de projets à concrétiser continuent encore à somnoler. Les 381 logements entrant dans le fameux programme de résorption de l'habitat précaire traînent encore depuis plus de... trois années. Le projet d'assainissement de Chaâba vit le même sort. Idem pour la passerelle qui ne voit toujours pas le jour. Ces projets inscrits en partie pour répondre aux incessantes doléances des habitants sont exclusivement chapeautés par l'administration locale même si la population dans son désarroi impute ces retards aux élus et va jusqu'à accuser l'APC d'avoir failli à ses promesses. Les retards enregistrés dans l'accomplissement du projet d'assainissement de Chaâba font des lieux un immense espace servant de réceptacle aussi bien aux ordures qu'aux eaux usées. Avec un lieu pareil, les MTH ne sont plus un risque mais plutôt une prédestination. Pour la passerelle, un élu a tenu à confirmer qu'elle sera en chantier incessamment, quant aux 381 logements ils seraient, aux dires d'un adjoint du maire, en phase de finition. D'où est partie la typhoïde ? Avant d'amorcer une quelconque supputation, il faut mentionner deux points. Une grande partie du réseau AEP de Diar Ezzitoune date des années 1950 et une autre partie s'abreuve à partir des puits. Les habitants disposant du réseau racontent : « nous sommes alimentés irrégulièrement et il nous arrive de ne voir l'eau qu'une fois par quinzaine. Le débit est tellement faible qu'il nous faut user de pompes pour espérer collecter quelques litres, et la qualité du liquide est suspecte. Cette situation nous pousse à acheter de l'eau des citernes monnayant 600 DA. » Le directeur de l'entreprise chargée de la distribution de l'eau (Epedemia) rétorque : « nous assurons l'alimentation des habitants faisant partie du réseau à partir du forage de Hjar Essoud. Nous essayons de combler la demande, et les perturbations enregistrées ces derniers temps sont dues aux difficultés que nous rencontrons sur le terrain et qui sont dues aux dernières intempéries. Nous nous attelons quotidiennement à assainir la situation pour parvenir à un retour progressif de la régulation de la distribution. » Cette eau est-elle infectée ? Rencontré inopinément sur les lieux, un agent des services de la prévention du centre hospitalier de Azzaba déclare : « les analyses que nous venons d'effectuer sur les échantillons relevés dernièrement de l'eau du réseau se sont révélées négatives. C'est-à-dire qu'elles ne contiennent pas de salmonelles. Mais je suis aujourd'hui ici pour faire d'autres prélèvements. » L'autre partie de la population se rabat sur les puits. D'ailleurs des analyses effectuées sur l'un de ces puits ont confirmé la présence de vecteurs de la fièvre typhoïde. Seulement, le P/APC déclare : « ce puits a été fermé depuis longtemps déjà et il ne devait pas servir pour alimenter les habitants. » Seulement, d'autres personnes attestent que les habitants avaient pris l'habitude de faire fi des recommandations et continuaient tout de même à utiliser cette eau infecte. Normal, quand on ne trouve pas d'eau et qu'on ne dispose pas de moyens pour en acheter, on se rabat sur autre chose. Alors, ce puits constitue-t-il la source du mal ? Impossible d'y répondre et seules les investigations menées actuellement par l'APC peuvent apporter un éclaircissement. Le P/APC de Azzaba explique : « nous sommes continuellement sur le terrain et nous avons entrepris un grand programme de sensibilisation et de prévention avec le concours du secteur sanitaire. A ce jour, nous avons fermé un puits et désinfecté plusieurs autres. Nous avons réunis toutes les associations locales et comités de quartier pour les appeler à nous conforter dans notre travail et nous avons reçu de favorables échos. Il faut également relever que la commune de Azzaba dispose de plus de 300 puits, ce qui nécessite une charge de travail et des moyens draconiens pour assurer un contrôle permanent. » Mais où se situerait alors le foyer des salmonelles ? Le P/APC évoque cependant plusieurs « éventualités » en rapportant : « nos services ont relevé l'existence d'une fuite au niveau de la conduite menant au quartier de Diar Ezzitoune, elle fait l'objet actuellement de travaux par l'Epedemia, mais le premier responsable de cette entreprise a tenu à infirmer cette hypothèse : « la fuite relevée se limite uniquement à un branchement particulier de moindre diamètre. Ce n'est pas la canalisation qui perd de l'eau. » Cependant, un détail mériterait d'être mentionné sans pour autant signifier une vérité. La majorité des cas de typhoïde enregistrés dernièrement à Diar Ezzitoune est représentée par des écoliers fréquentant le même établissement. Et étrangement, cet établissement du primaire situé en plein cœur du quartier n'est pas alimenté à partir du réseau. Il disposerait, selon des indiscrétions recueillies sur place, d'une bâche à eau. Il reste aussi à savoir si l'ensemble de ces écoliers n'a pas consommé autre chose ailleurs, de l'eau ou même des glaces...enfin, il reste à espérer surtout que le nombre de cas n'augmentera pas.