Que serait l'Irak sans la coalition dirigée par les Etats-Unis ? Nul n'ose cette question tant la réponse semble évidente, malgré les signes politiques supposés prouver l'inverse. Ce serait l'hécatombe, et la situation serait telle qu'elle aurait des effets dévastateurs sur les pays voisins. Cela a été dit, et à chaque épreuve tendait à renforcer les hypothèses les plus pessimistes. On n'en veut pour preuve le caractère ethnique du vote du 30 janvier dernier et les divisions qui caractérisent celle qui constituait l'opposition à l'ancien régime, sommée, il est vrai, de faire front commun derrière la puissance militaire américaine. Cette fois, c'est le service de renseignements extérieurs de la défense danoise, FE, qui met en garde contre le retrait des forces de la coalition en Irak qui pourrait, selon lui, mener à une guerre civile dans ce pays. Cette mise en garde, formulée dans un rapport adressé au gouvernement, survient à un moment où le Parlement débat en première lecture d'un projet de décision gouvernementale de prolonger de 8 mois le mandat de ses 530 soldats en Irak, qui arrive à expiration le 2 juin. FE ne s'attend pas à une « amélioration décisive de la sécurité en Irak dans les mois et l'année à venir ». Toutefois, « la situation à Bassorah (sud), où est déployé le contingent danois, sous commandement britannique, est beaucoup plus calme que dans le centre du pays, mais reste tendue ». « Rien ne laisse prévoir moins d'attaques du réseau sunnite extrémiste qui est derrière une minorité d'actions en Irak. Mais ses attaques sont les plus spectaculaires et occasionnent le plus de pertes », écrit FE. Le service danois désigne l'extrémiste jordanien Abou Moussab Al Zarqaoui, chef d'Al Qaîda en Irak, et le groupe islamiste Ansar Al Sunna, comme étant les forces dominantes tentant de déstabiliser le pays. Une autre certitude qui tranche par ailleurs avec d'autres sources qui n'arrivent pas à identifier les auteurs d'opérations armées qui visent, il est vrai, civils et militaires. Les Irakiens, notamment les sunnites puisqu'ils sont souvent cités, vont jusqu'à contester l'existence de Zarqaoui. D'autres intervenants attribuent les opérations armées aux anciens militaires irakiens, les dignitaires du Baâth dissous, mais sûrement pas à des combattants sans formation préalable. De nombreuses opérations nécessitent une préparation toute particulière note-t-on, et elles ne pourraient être menées par le premier venu. FE constate que, depuis le mois d'avril, la violence a de nouveau augmenté avec 50 à 70 attaques quotidiennes, ceci pour dire que les élections n'ont rien réglé. Elles ont même paradoxalement renforcé les divergences qui caractérisaient les positions des formations de l'opposition, dont l'alliance, aujourd'hui au pouvoir, est marquée par une extrême précarité. A cet égard, apprend-on, les principaux blocs, chiite et kurde, du Parlement irakien sont en désaccord sur la présidence de la Commission chargée de rédiger la Constitution, a annoncé mardi un responsable kurde. « La liste de l'Alliance unifiée irakienne (AUI, chiite) insiste pour avoir la présidence de la commission et nous insistons pour la présider », a déclaré un élu de l'Alliance kurde, Faridoun Abdel Kader. Les Kurdes veulent confier la présidence à Fouad Maassoum, qui avait présidé le Conseil national, l'assemblée désignée qui avait précédé le Parlement élu le 30 janvier, a dit M. Abdel Kader, un dirigeant de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) du président Jalal Talabani. « Les chiites ont plusieurs noms, mais n'ont pas encore choisi leur candidat », a-t-il ajouté, avertissant que les Kurdes n'accepteraient pas que « l'oppression religieuse remplace l'oppression ethnique », en allusion à la volonté des chiites d'imposer l'un des leurs à la tête de la commission. M. Abdel Kader a appelé les chefs des deux blocs parlementaires majoritaires à intervenir rapidement pour « résoudre ce problème ». Le Parlement avait formé le 10 mai la Commission de rédaction de la Constitution permanente, une tâche appelée à achever avant le 15 août prochain. La commission, composée de 55 membres, a été approuvée par 142 des 161 députés présents de l'assemblée qui compte 275 membres. Vingt-huit de ses membres viennent du bloc majoritaire de la liste de l'AUI, à dominante chiite, qui compte 143 députés. Quinze de ses membres viennent de la liste d'Alliance kurde, qui a 77 députés, huit de la liste irakienne de l'ex-Premier ministre Iyad Allaoui et 4 d'autres listes minoritaires. « La commission a trois jours pour se réunir et choisir son président, un vice-président et un rapporteur », avait déclaré le 10 mai Hussein Chahristani, vice-président du Parlement. Même si c'est un ultimatum, il n'a pas été respecté. Et il semble bien difficile qu'il le soit au regard du contexte actuel où l'Alliance ne porte que son nom, et que les partis sont engagés dans leur propre course pour le pouvoir.