Le rapport des inspecteurs de l'ONU enregistre les progrès de la coopération de Bagdad, mais la guerre n'est pas pour autant écartée. Round nul ou l'Irak a-t-elle marqué un point comme l'affirment d'aucuns? En tout état de cause, il apparaissait clairement, lors du débat général qui a suivi l'intervention des inspecteurs en désarmement de l'ONU, que les Etats-Unis étaient nettement isolés par rapport à une guerre immédiate contre l'Irak. En fait, les inspecteurs ont présenté un rapport équilibré ne préjugeant pas des suites qui seraient données à ce dossier. Ainsi, MM.Blix et El Baradei, tout en mettant en relief les anomalies relevées sur le terrain ne donnent, en revanche, aucun élément permettant aux Etats-Unis d'évoquer «les violations patentes» (le feu vert à la guerre) prévues par la résolution 1441 du 8 novembre de l'an dernier. D'une manière générale, si le rapport des inspecteurs n'accable pas Bagdad, -il est nettement moins sévère que celui rendu le 27 janvier- il ne renforce pas cependant l'argumentaire guerrier américain. En revanche, ce qui est vrai, c'est la fracture intervenue au Conseil de sécurité entre les tenants de la guerre (les Etats-Unis suivis par la Grande-Bretagne, l'Espagne et la Bulgarie) et les onze autres membres partisans du renforcement des inspections, tout en donnant du temps à la mission de l'ONU. Rendant le sentiment de la majorité des membres du Conseil de sécurité, le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, a estimé, - sous les applaudissements, fait rare, de l'assemblée -, que «l'usage de la force ne se justifie pas aujourd'hui», indiquant: «Il y a une alternative à la guerre, désarmer l'Irak par les inspecteurs», soulignant par ailleurs, qu'«un recours prématuré à l'option militaire serait tellement lourd de conséquences pour les hommes, pour la région et pour la stabilité internationale qu'il ne saurait être envisagé qu'en dernière extrémité». Ce qui à l'évidence n'est pas l'avis de son collègue américain, Colin Powell, pour lequel une «décision sur la guerre (sera prise) dans les semaines à venir» et se projette déjà dans l'après-Saddam Hussein, évoquant même, le «remodelage» du Moyen-Orient auquel se livreront les Etats-Unis après la chute du président irakien. Pour les Américains il est patent qu'il n'y a pas d'alternative à la guerre du moment que, pour eux, le désarmement de l'Irak n'est point suffisant notamment pour la réalisation de leur plan, consistant en l'occupation de l'Irak, et le changement du régime irakien qui reste incontournable. Certes, Washington préfère, sans doute, que la guerre ait lieu sous les couleurs d'une coalition internationale et avec le feu vert de l'ONU, mais demeurent tout aussi disposés à se passer de la caution des uns, de l'approbation des autres. Pour les Etats-Unis, la guerre, qui n'est plus qu'une question de jours, voire de semaines, aura lieu, reste seulement à savoir comment et avec qui. S'il y avait lieu d'en douter, il n'y a qu'à écouter les déclarations, ces derniers jours, des secrétaires d'Etat et à la Défense américains, Colin Powell et Donald Rumsfeld, lesquels insistent sur la nécessité de l'occupation de l'Irak. Rumsfeld affirme ainsi que «l'armée américaine resterait aussi longtemps qu'il le faudra (en Irak)», alors que Colin Powell faisait connaître au Congrès les plans de la Maison-Blanche pour l'après-Saddam Hussein, indiquant que l'Irak serait placé «sous administration militaire américaine» qui devrait, dans un temps indéterminé évoluer «vers une administration civile» assurant que Washington «s'appuierait autant que possible» sur les institutions et infrastructures existantes en Irak, affirmant en outre que les revenus pétroliers (un pactole de quelque 22 milliards de dollars, actuellement, qui serait évidemment appelé à augmenter) «seraient utilisés pour le peuple irakien» Donc les Etats-Unis, outre d'occuper le pays, projettent de gérer ses revenus induits par les rentrées pétrolières. Dès lors, renoncer à la guerre et désarmer l'Irak, selon le droit international et la légalité internationale, seraient pour Washington abandonner des projets et plans pour lesquels le groupe de faucons entourant le président Bush, travaille depuis une année pour justifier une guerre contre l'Irak, à l'exclusion de tout autre solution. Et les Arabes dans tout cet imbroglio? Jusqu'ici, invisibles sur la scène politique internationale, les Arabes se convoquent, à la demande de l'Egypte, en sommet extraordinaire pour étudier la situation en Irak. Il y a comme un défaut dans ce retour de manivelle arabe. Il y a quelques jours, le président égyptien Hosni Moubarak affirmait à la presse qu'il serait «ridicule» de vouloir empêcher les Etats-Unis d'opter pour la guerre en Irak. La majorité des pays arabes ont donné leur accord à la tenue de cette réunion, mais en vérité face à l'inconsistance arabe, un sommet extraordinaire pour faire quoi? Cela d'autant plus que le ministre américain de la Défense, Donald Rumsfeld, affirmait hier que «si guerre il y a, Washington serait soutenu quasiment par tous les pays arabes de la région», «sauf un» manière sans doute de donner à tout un chacun de démentir. Il affirma en outre «que chacun de ces pays nous dit en privé qu'il était prêt à nous aider» Un signe? L'armada américaine stationne essentiellement dans ces pays arabes du Golfe, avec ou sans leur consentement.