« S'agit-il d'une privatisation ou d'un bradage ? » C'est ce qui résume la situation de l'Entreprise de distribution d'équipements domestiques (EDIED) depuis plusieurs mois, une situation des plus floues quand on sait que l'Etat souffle le chaud et le froid alternativement sur des travailleurs qui ne savent plus à quel marabout se vouer ni à quel texte s'accrocher. L'EDIED, comme la plupart des entreprises algériennes, s'est mise à boiter dès le début des années 1990, pour pratiquement s'immobiliser par la suite. Des travailleurs sans salaires depuis six mois, des créances à gogo et une gestion chaotique ont conduit la SGP à proposer l'entreprise à la privatisation, avec une priorité aux « fils de l'entreprise », pour reprendre un terme utilisé par un syndicaliste, et ce, selon l'article 29 de l'ordonnance 01-04 du 20 août 2001 qui annonce la formule reprise de l'entreprise par les travailleurs (RES). L'entreprise, qui dispose d'un point de vente à la rue Boumeddous, a vite fait de le léguer à cinq travailleurs qui ont fait le nécessaire pour la cession du local à leur profit, en formule de location. Tout allait bien dans le meilleur des mondes pour les nouveaux « patrons », jusqu'à ce qu'une information vienne jeter le doute et le désarroi parmi eux, et qui stipule que cette unité n'était plus concernée par la formule de RES. Même les travailleurs du siège de l'entreprise, sis à la zone industrielle et qui sont au nombre de 25, voient leur demande de RES adressée à la SGP Est prendre une tournure qu'il n'imaginait nullement, car un optimisme démesuré les a comblés au moment où ils espéraient rejoindre le lot des autres entreprises cédées à leurs salariés. Optimisme démesuré C'est que dans l'entourage de l'entreprise, on insiste sur le fait que les jeux sont déjà faits et que l'EDIED allait être vendue « à un des nombreux livreurs que comptait notre entreprise, sans que ce dernier ne dispose de la somme qu'il faut pour acquérir le siège et l'agence Boumeddous. En tout cas, cela ressemble fort à un bradage. Et quelle que soit la décision que prendra la SGP, nous ne nous laisserons pas faire », nous dira un membre du syndicat local. Une autre version stipule qu'un gros ponte de Constantine a déjà jeté son dévolu sur l'agence Boumeddous et que le changement de nom de son propriétaire n'est qu'une question de jours. Ce même personnage postulerait également pour l'acquisition du siège de la zone industrielle et qu'il allait l'accaparer pour une bouchée de pain. Ce à quoi les travailleurs que nous avons contactés s'opposent formellement. « Nous avons entendu parler de ce personnage, effectivement. Mais la loi est de notre côté, car elle privilégie la cession de l'entreprise à ses travailleurs. Si cette même loi est bafouée, nous aurons notre mot à dire et nous ne nous laisserons pas faire. Pour le moment, nous avons exprimé notre désir par une lettre de manifestation d'intérêt dans le cadre de la reprise de l'entreprise par les salariés (RES) et la réponse ne saurait être que positive. Dans le cas contraire... » Des menaces à peine voilées adressées à une tutelle qui clame à qui veut l'entendre que la privatisation est un mal nécessaire, mais qui, d'un autre côté, entoure cette opération, souvent, d'une opacité à la limite d'un bradage pour des pontes qui ne se sont pas rassasiés avec les fameuses cessions au dinar symbolique et qui reviennent à la charge pour accaparer ce qui leur a échappé lors de la décennie noire ainsi qu'au cours de la décennie rouge.