Cannes est revenue à son calme provincial. Alors que le dernier film de la compétition était vu vendredi matin par la presse (Three Times, de Hou Haiao Haien, cinéaste taiwanais, une belle réflexion sur le temps et les sentiments), les délibérations du jury s'éternisaient et les rumeurs étaient au paroxysme. On avait craint le pire. Que la palme aille aux filmes d'horreur et de violence comme Sun City (Miller Fernandes), Histoire de violence (Cronenborg) ou Election (Johnny To). On savait par contre que l'inqualifiable opus anti-arabe du Kurde Miner Salaam (Kilomètre zéro), n'avait absolument aucune chance. Dès le début du festival, la presse avait passé dessus la serpillière ! Bien qu'auteur de films constellés d'effets peu authentiques, Jim Jarmouah et Michael Maneke étaient portés par une rumeur sans mesure. Le jury les a heureusement éradiqué de la palme en leur donnant des lots de consolation (grand prix du jury et prix de la mise en scène). En quête d'actrices à primer, le même jury n'a pas eu, pour le symbole, à réunir les trois formidables interprètes de Free Zone, film israélien de Amos Gitai. La numéro 3 du trio, tout aussi parfaite que les deux autres, l'a dit : Manna Lazlo a reçu le prix d'interprétation féminine au nom des deux autres Hiam attass et Natalie Portman. Sage palmarès qui a choisi aussi un film chinois Shanghaï Dreams, de Wong Xiaoshuai, pour le prix spécial du jury parce que c'est un bon travail, une belle œuvre de cinéma sur une belle histoire. Peu sage palmarès qui a oublié carrément le beau film de Lars Von Trier : Manderbay. La palme d'or 2005, imposée sans doute par les femmes du jury, de très fortes personnalités : Toni Morrison, Agnès Varda et Selma Hayek, est allée à un sujet social à la limite du documentaire : L'Enfant, des frères belges Jean-Pierre et Luc Dardenne. Un thème actuel très brûlant tourné à la manière de Ken Loch : comment être très jeunes parents, le père a 20 ans, la mère 18, quand la société les exclut totalement, ne leur donne pas leur place, qu'ils se retrouvent dans une misère noire à voler et à vouloir vendre leur bébé pour survivre. Cela se passe en Occident aujourd'hui, dans la bonne monarchie belge parée de tous ses atouts. Les Dardenne ont déjà triomphé à Cannes avec Rosetta, un sujet qui traitait de l'exclusion sociale aussi, palme d'Or en 1999. C'est le beau côté du Festival de Cannes de faire triompher ce genre de cinéma indépendant, difficile, pas du tout grand public. Un cinéma très réaliste, à format réduit et sans beaucoup d'argent pour la production. Un cinéma qui va se retrouver dans le circuit art et essai malgré la palme.Parce que les foules préfèrent la boutique de george Lucas qui brasse du vent.