Azzedine Ammari, enlevé le 12 août 1994 par la SM ». L'inscription en feutre est accompagnée de la photo d'un jeune sur la pancarte en carton portée par une femme que les 76 ans d'âge n'ont pas dissuadée d'être là, au square Sofia à Alger. Comme elle, des mères de disparus ont tenté hier matin de se rassembler devant le siège de l'APN à l'occasion de la présence du chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, venu exposer sa politique. « Nous n'avons ni bombes ni armes, pourtant les policiers sont nombreux », ironise la mère Ammari. Les mères de disparus ont été invitées à se rassembler loin, assez loin, du siège de l'APN. Un cordon sécuritaire les a coincées entre le square Sofia et une discrète caserne donnant sur le port. Mme Yous de SOS Disparus a la voix cassée. « Nous acceptons l'amnistie si l'Etat relâche les disparus détenus et nous montre les tombes des disparus décédés », a-t-elle répété pour la énième fois. Mais les officiels considèrent que l'armée n'a pas les moyens de retenir vivant durant près de dix ans un nombre important d'individus (6142 selon les officiels, 18 000 selon les ONG). « Nous avons des témoignages prouvant l'existence de centres de détention secrets à Reggane, à Oued Namous, à Biskra, à Laghouat, à Ben Aknoun, à Dèly Ibrahim, à Hydra, à Beni Messous, à Bouzaréah, à Blida et à Haouch Chnou », a énuméré Mme Yous. Depuis que le président du CNCPPDH et du comité ad hoc sur les disparus, l'avocat Farouk Ksentini, a remis son rapport sur la question au président de la République le 31 mars dernier, ces familles ont espéré faire rimer Bouteflika avec haqiqa (vérité). Mais depuis, rien. « Je ne sais plus quoi faire. Je suis au bord du désespoir », a lâché entre deux soupirs la mère du journaliste Aziz Bouabdellah, arrêté le 12 avril 1997 puis disparu depuis cette date. Les slogans fusent du groupe de femmes face aux policiers en uniforme et en civil. Les deux fronts se regardent et se reconnaissent. Ils ont fini par être familiers les uns pour les autres. Le boulevard qui les sépare charrie le flux des indifférents de l'Algérie de 2005. Passants interpellés aux cris de « Des milliers de disparus, regardez, regardez ô croyants ! ». « L'Etat ne veut pas croire à sa culpabilité, c'est le premier des obstacles pour arriver à la vérité », a commenté le père d'un disparu dont le fils a été enlevé à Oued Ouchaïah en 1994. « Il avait 17 ans, je ne sais même pas qui l'a pris... », a-t-il ajouté. Ses yeux baignant dans le désespoir disaient toutes les absences du monde.