Près de 200 députés se sont fait inscrire pour intervenir lors des débats qui ont débuté hier dans la matinée. Certains représentants du peuple ont, certes, relevé ce qu'ils considèrent comme des paradoxes dans le bilan économique et social 2004 exposé par M. Ouyahia ; d'autres se sont contentés de féliciter le chef du gouvernement pour les résultats enregistrés cette année ; par contre, une partie des députés a jugé que les cinq minutes dont ils disposent pour émettre leur appréciation restent insuffisantes, donc ils ont préféré remettre un document écrit portant leurs points de vue. Néanmoins, pour la première journée consacrée au débat, il y a lieu de signaler que, de toutes les interventions, celle qui a retenu l'attention et qui a été vivement applaudie est celle de Abbas Mekhalif, député du FLN et ex-président du groupe parlementaire de ce parti sous la coupe de Ali Benflis. M. Mekhalif a, d'emblée, qualifié la déclaration de politique générale faite par le chef du gouvernement de « déclaration générale de politique privée ». M. Mekhalif, sur un ton critique, a relevé la contradiction flagrante existant entre la théorie et la pratique, entre les paroles et les actes. Il précisera que le quotidien des Algériens est fait de privations et de misère. « A mon sens, nous assistons à une politique de fuite en avant, en harmonie permanente avec des chiffres reflétant la volonté de la dérision et du mépris des institutions consacrées par la Constitution », a souligné M. Mekhalif, qui a expliqué que lorsqu'au nom de la démocratie la majorité s'incline devant la volonté de la minorité nous sommes dans ce cas de figure face à une « déclaration générale de politique privée » qui torpille les fondements des institutions et annihile la volonté populaire. M. Mekhalif va plus loin dans sa critique en faisant une comparaison entre les déclarations de M. Ouyahia et la réalité du terrain. L'orateur en haussant le ton dira que l'action démocratique est hypothéquée, les libertés sont restreintes, la presse est la proie des cercles de menaces et les partis politiques sont soumis aux coups de force. « Les chiffres avancés par le chef du gouvernement ne reflètent nullement la réalité de la situation que vivent les Algériens. Ces derniers ont faim, la plupart sont pauvres et malades. La volonté populaire et celle du député sont occultées : voilà le vrai visage de l'Algérie », a lancé M. Mekhalif. Le désengagement de l'Etat De son côté, M. Djoudi, du Parti des travailleurs, a relevé qu'il était impossible de convaincre les Algériens par des chiffres. « Les chiffres du chef du gouvernement sont très positifs, mais la réalité reflète autre chose. Les 7000 emplois dont parle M. Ouyahia sont pour nous des emplois précaires, ce ne sont pas des emplois réels, permanents. Nous avons exprimé nos inquiétudes par rapport aux réformes engagées et nous exprimons de véritables craintes avec le programme de privatisation tous azimuts », dira M. Djoudi qui estime que les réformes en question ne répondent pas aux aspirations du peuple algérien et a déploré le désengagement de l'Etat de ses missions économiques et sociales. Abordant les questions relatives à la liberté de la presse et au mouvement syndical , M. Djoudi ne partage pas l'avis de M. Ouyahia qui a déclaré qu'aucun journaliste n'a été emprisonné pour ses écrits. « Il y a des journalistes qui ont été condamnés pour leurs écrits. Dans notre parti et parce que nous sommes démocrates, nous avons toujours dénoncé la condamnation des journalistes pour leurs opinions », a souligné le représentant du PT. Selon celui-ci, la privatisation mène automatiquement vers la fragilisation des travailleurs et des organisations syndicales. Le député Boudjerra Mohamed Bachir du FLN a estimé qu'il existe une contradiction flagrante entre les bonnes performances du secteur de l'agriculture et les prix exorbitants de certains produits agricoles qui restent hors de portée même des bourses moyennes. Un député du MSP a interpellé le chef du gouvernement sur la question des salaires, lui demandant d'engager la réflexion sur les possibilités de la mise en œuvre d'une politique de vérité des salaires pour tenter de contrebalancer l'exigence de la vérité des prix. Mohamed Tayeb Kouidri, de tendance FLN, n'a pas nié que la situation sécuritaire en Algérie s'est nettement améliorée ; en revanche, le député a relevé que les citoyens ne se sentent pas en sécurité vu la multiplication des agressions et des vols. « Nous demandons la mise en place d'un plan de sécurité nationale », a-t-il revendiqué. Par ailleurs, d'autres intervenants ont souligné la fragilité de l'économie nationale, encore pénalisée par le marché informel qui prend des proportions inquiétantes. « Aujourd'hui, nous sommes dans une économie d'import-export, caractérisée par une quasi-absence d'investissements étrangers » à même de créer durablement des emplois, ont-ils affirmé. Le député Messaoud Allouache du FLN a évoqué, pour sa part, « la montée inquiétante de la corruption, à telle enseigne que le secteur bancaire est souvent secoué par des scandales », a-t-il dit. Hassan Aribi d'El Islah a interpellé le chef du gouvernement sur différentes affaires, notamment celles relatives à El Khalifa Bank et à la BDL.