A l'APN, les députés donnent l'impression d'expédier une corvée. Les critiques sur la déclaration de politique générale du gouvernement se font faibles. Presque transparentes. A écouter les interventions d'hier, il y a comme un sentiment qu'une bonne partie des élus du peuple a mal lu le bilan du gouvernement, ne l'a pas lu du tout ou l'a compris à moitié. Du haut du perchoir, Amar Saâdani, président de la Chambre basse du Parlement, veut être rassurant : « Notre Assemblée est plurielle. Et chaque député est libre de s'exprimer. » Ce n'est pas une plaisanterie. Le député indépendant, vice-président de l'APN également, Mohamed Djemaï prend la parole pour dire qu'il préfère garder le silence. Hassen Aribi d'El Islah remet son intervention écrite. Motif ? « Je traite de dossiers dangereux », s'explique-t-il. Le député s'arrange pour distribuer une copie de son intervention à la presse. Sabah Bounouh du FLN remet ses observations par écrit. Nouvelle pratique ? Autocensure ? Abbas Mekhalif, ex-président du groupe parlementaire du FLN, casse cette monotonie. Ses critiques acerbes à l'égard de l'action gouvernementale rappellent certains moments de l'ex-législature qui avait l'odeur de l'opposition. Abbas Mekhalif, réputé proche de Ali Benflis, ex-secrétaire général du FLN, trouve que l'APN commence à ressembler à « un département ministériel ». Il s'élève - c'est évident - contre « les coups d'Etat » qui ciblent les partis. Il récolte un paquet d'applaudissements dans le carré du PT, d'une partie du FLN et d'El Islah. Amar Saâdani, également député FLN d'El Oued, paraît irrité. « Si tu parles, je lâche le lion ! », ironise, de son côté, Benhlima Boutouiga. L'homme s'attaque à ce qu'il appelle « la force de freinage » qui bloque la machine des réformes. « Ce n'est pas normal d'attendre quatre mois pour encaisser un chèque », dit-il. Menaçant, avec une certaine intrigue, il annonce la nouvelle : « Nous avons des enfants qui farfouillent dans Internet et nous avons des informations (...) Moi, j'ai mon compte CCP ! » Le député indépendant Djillali Berrahou demande le coût de l'organisation du sommet arabe à Alger. Il semble avoir oublié qu'Ahmed Ouyahia avait déjà déclaré que cette manifestation avait mobilisé deux milliards de dinars, dans une des rares fois où l'on a dit combien coûtent « les fastes » diplomatiques d'Alger. Les propos de Djillali Berrahou deviennent plus intéressants : « L'Alliance présidentielle obéit à un plan d'enterrer la démocratie et le pluralisme dans le pays. C'est un retour au parti unique. » Réaction timorée dans les carrés du FLN, du MSP et du RND. Et sourire à l'allure sardonique d'Ahmed Ouyahia. Fatah Guerd du MSP appelle, lui, à ouvrir le champ audiovisuel et à lever l'état d'urgence. Il prévient contre « les oulémas Taiwan » et reproche au gouvernement d'avoir supprimé la filière des sciences islamiques du cycle secondaire. Même reproche répété par d'autres députés islamistes. Du coup, Boubekeur Benbouzid, ministre de l'Education nationale, devient une belle cible. « Le gouvernement n'avait pas à ouvrir un nouveau front », s'indigne Mohamed Tayeb Kouidri du FLN. Ben Amar Makhlouf découvre, lui, que les promesses de « chauffer » les classes dans certaines régions n'ont pas été tenues. « Il faut suivre les projets, suivre les décisions », conseille-t-il. Abdelkader Boudjras du FNA propose de constituer une commission d'enquête parlementaire pour « inspecter les écoles privées ». Pas d'enquête, par contre, sur l'exécution réelle des projets gouvernementaux. Rachid Zaârat du PT doute de la capacité du gouvernement de réaliser 1 million de logements. « Pour y arriver, il faut un rythme de réalisation de 250 000 logements par an », relève-t-il. L'Etat a, selon Ahmed Ouyahia, réalisé 117 000 nouvelles habitations en 2004. Parole d'officiel ! Noureddine Attallah du FLN émet cette observation : « Je n'ai pas compris pourquoi les travaux préparatoires au sommet arabe ont été exécutés en un temps record. » Un vrai casse-tête. Le même député s'interroge sur les retards légendaires accusés par le projet de l'autoroute Est-Ouest. Citant Aristote et, parfois, Sartre, Ada Fellahi, député sans affiliation depuis son divorce avec El Islah, philosophe sur « la faiblesse » du budget alloué par l'Etat à la culture. De loin, Khalida Toumi, la ministre, apprécie le geste. Loin de la philosophie et de la culture, Ada Fellahi croit savoir qu'un groupuscule, « proche d'Al Qaîda », active à Relizane. « Faites attention à ce que vous dites. Je déments, en tant que président de l'APN, cette information », lance, sur un ton solennel, Amar Saâdani. Abdelkader Semmari du MSP révèle l'existence d'un puissant réseau de trafic de drogue dans la région de Beni Ouartilane à Sétif. Pas de démenti de Amar Saâdani. Brahim Mesbah du FLN est offusqué par le contenu des manuels scolaires. « Ils ont mis des textes sur le jeu de dominos, sur la fabrication de la pipe et sur les églises. Ils racontent même l'histoire d'un crapaud qui va au marché, qui va à la plage... Mais, enfin, le crapaud, c'est insultant ! », crie-t-il. Rires et sourires sous la coupole. Loin de l'univers amphibien, Djillali Berrahou veut savoir « le secret » des interviews réalisées par Hamraoui Habib Chawki, directeur général de l'ENTV, avec Abdelwahab Doukali et Majda Roumi. Mystérieux, non ?