Le chef du gouvernement tunisien, Mohamed Ghannouchi, et les ministres algériens Abdelhamid Temmar, des Participations et de la Promotion de l'investissement, et El Hachemi Djaâboub, du Commerce, ont décliné à la dernière minute l'invitation de la Banque mondiale. La nouvelle s'est répandue très vite dans le hall de l'hôtel Gamarth, où se tiendront, aujourd'hui et demain, les travaux de la table ronde. Une défection qui a visiblement mis mal à l'aise les responsables de la Banque mondiale, eux qui tenaient beaucoup à la caution politique des pays concernés par cette rencontre à laquelle, faut-il le préciser, prendront part le président de la Banque africaine de développement, Omar Kabbaj, le vice-président de la Banque mondiale, Christiaan J. Poortman, le vice-président de la Société financière internationale, Assad Jabre, et plus de 150 experts internationaux et membres de la société civile maghrébine venus d'horizons divers. Théodor Ahlers, directeur du département Maghreb, a préféré minimiser de l'impact de ces défections, en déclarant en marge des travaux en plénière : « La présence dans les groupes thématiques d'un important nombre de hauts cadres des institutions des trois pays concernés est aussi importante que celle des officiels. Il a indiqué que tout développement repose sur quatre piliers qui sont l'emploi, le commerce extérieur, le genre et la gouvernance. « Ce sont ces thèmes desquels les experts vont discuter pour sortir avec des recommandations. Notre contribution est d'arriver à ce que ces recommandations arrivent aux décideurs et qu'elles soient prises en compte. Ces thèmes sont des questions très difficiles à aborder. » Le responsable a néanmoins laissé entendre que son institution n'a pas les moyens de faire pression sur les pays qui refuseront d'appliquer les solutions prévues par les experts. « Nous n'avons aucun moyen de les obliger à appliquer nos recommandations. De toute façon, nous ne cherchons pas à le faire, mais nous essayons de trouver les meilleures solutions à ces problèmes. » M. Ahlers, M. Kabbaj, M. Poortman et M. Jabre, Zeinab Al Bakri, vice-présidente de la Banque africaine de développement, M. Nabli, économiste en chef et directeur du groupe développement économique et social de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord à la Banque mondiale, et M. Abouyoub, ancien ministre marocain, interviendront lors de la session plénière de cette matinée, lors de la séance consacrée aux enjeux économiques. Les discussions thématiques se tiendront en ateliers parallèlement aux travaux. Hier, les groupes thématiques genre, gouvernance, commerce extérieur et emploi, constitués d'experts des trois pays du Maghreb, avaient entamé les débats autour de ces questions pertinentes et doivent présenter les recommandations aux responsables et experts de la Banque mondiale. Pour l'atelier genre, les discussions étaient serrées du fait des différences qui existent d'un pays à l'autre. « L'essentiel est de rappeler que tout développement dans la région ne peut se faire sans la participation effective des femmes, mais aussi de nuancer l'approche adoptée par la Banque mondiale pour poser le pragmatisme de références, de rappeler la situation des femmes qui reste en relation étroite avec les transformations et les restrictions que vit la région d'une part, avec l'inégalité des sexes d'autre part qui se conjuguent pour aggraver les impacts sur les femmes. Seule l'adoption de l'approche genre permettrait de remédier à cette situation. De même qu'il est important de noter les défis ainsi que les obstacles qui entravent cette évolution et de proposer des recommandations spécifiques permettant de combler le déficit de l'égalité entre les sexes. » En matière de commerce extérieur, les débats ont été axés beaucoup plus sur les meilleurs moyens de saisir les opportunités de la mondialisation qui doit être porteuse de croissance et d'emploi. Pour les experts, il est important qu'il y ait une intégration régionale et un pouvoir de négociation avec les grands ensembles régionaux. « L'échec de l'Union du Maghreb (UMA) n'est pas politique, mais économique. Ce n'est pas la question sahraouie qui a fait échouer l'union, mais l'absence d'appréciation des conditions économiques de réalisation (...) La méfiance qui existe entre les pays ne permet pas de construire dans la durée (...) Si nous continuons à avoir de mauvaises perceptions, nous resterons toujours dans les mauvaises solutions. » Le groupe emploi a plutôt parlé des grandes mutations qu'ont connues les trois pays du Maghreb, citant à titre d'exemple ce chiffre assez intéressant de 4000 étudiants dans les universités des trois pays en début des années 1960, qui a atteint aujourd'hui plus de 3 millions. Les experts ont également relevé que la croissance que connaît la région est insuffisante. L'atelier gouvernance a axé ses débats sur les quatre piliers sur lesquels repose ce principe de bonne gouvernance, dont la séparation des pouvoirs, l'inclusivité, la liberté d'expression et la réforme de l'administration. Pour les assurer, il faut que le gouvernement, les forces des marchés et la société se partagent les responsabilités.