La mort par asphyxie d'une quantité de poissons qui a flotté ces jours-ci à la surface du bassin portuaire de Béjaïa a suscité interrogations, inquiétudes et supputations. L'alerte donnée dans l'affolement par des pêcheurs à la ligne a fait craindre un remake du phénomène du lac Tamelaht (du poisson mort par asphyxie) avant que l'on ne s'aperçoive de ses proportions moindres. N'empêche, il y a problème. A la source, une opération de dragage qu'effectue une société étrangère avec l'assistance d'une entreprise nationale. Les travaux du bateau dragueur ont inévitablement fini par envaser la partie concernée par le dragage, troubler l'eau de mer et provoquer l'obstruction par la boue des voies respiratoires (les branchies) du poisson. « Un phénomène qui arrive », soutiennent des spécialistes, « mais, il est vrai, pas avec autant de dégâts ». Pour le premier responsable de l'Entreprise portuaire de Béjaïa (EPB), M. Boumsila, qui reconnaît l'impossibilité d'éviter le phénomène, mais pas la responsabilité de son entreprise dans ses proportions « inattendues », il s'agirait, « pour être pessimiste, d'une centaine de kilos de poissons asphyxiés ». Son assurance est puisée du fait de l'inobservation des mêmes faits dans le reste de la zone draguée comme à l'intérieur du port pétrolier. Selon lui, la drague tirée du côté de oued Slimane a libéré des tas d'immondices et autres produits putrides amoncelés au fil des années et qui auraient dégagé des gaz. « Les analyses ne font pas ressortir un phénomène bactérien », tente-t-il de rassurer. Il y voit, à toute chose malheur est bon, une « forme d'avertissement » sur l'absence d'une station d'épuration. S'il n'est un secret pour personne que le port tend à être le réceptacle des eaux usées de la ville, la question de savoir si l'EPB a entamé l'opération de dragage dans le respect de la réglementation est soulevée par des voix anonymes. « Nous agissons en respect de la convention de Barcelone que notre pays a ratifiée. Le dragage intervient suite à des analyses de l'eau et à une autorisation d'immersion qui nous a été donnée. Tout le monde était au courant », nous dit le PDG de l'EPB. Le chenal du port est long de 320 m et d'une profondeur de 15 m. Un espace que l'on dit non maîtrisable et où l'on « ne peut pas empêcher le poisson de circuler ». Un million de mètres cubes de sédiments sont à draguer. 20% l'ont déjà été et l'opération se poursuivra encore pour quelques jours. Vase ou produits putrides, risque-t-on de voir encore s'agiter des poissons à la surface ? Du poisson impropre à la consommation à propos duquel on aurait dû mettre au courant la population avant l'entame de l'opération du dragage.