La nouvelle a vite fait le tour des participants à cette rencontre, qui se tient à Gamarth, dans un des luxueux hôtels appartenant au frère de l'épouse du Président Zine Al Abidine Ben Ali. La veille, ce sont les responsables de la Banque mondiale (BM) qui avaient exprimé un sentiment de déception du fait de la défection des officiels algériens et marocains, et le chef du gouvernement tunisien, les privant ainsi d'une caution politique à cette table ronde à laquelle ils ont voulu donner un cachet particulier. Ainsi, les travaux de cette rencontre ont été ouverts par le directeur du département Maghreb, Théodor Ahlers, le président de la Banque africaine de développement (BAD), Omar Kabbaj, et le vice-président de la Société financière internationale (SFI), Assad Jabr, en présence du ministre tunisien du Développement et de la Coopération internationale. Lors de son intervention, le président de la BAD a beaucoup insisté sur les éléments constitutifs d'un développement durable, qui, selon lui, sont entre autres la participation de la femme à l'effort économique, la bonne gouvernance et la démocratie. Omar Kabbaj a affirmé que son institution « essaie » grâce aux ressources qu'elle gère de soutenir les efforts de réforme qui sont actuellement en cours dans les trois pays du Maghreb. « Ces trois pays ont bénéficié d'une enveloppe de 11,3 milliards de dollars, soit 40 % des ressources de la BAD. » Parce que la globalisation est irréversible, a-t-il soutenu, « il est important de promouvoir les investissements privés durables... ». Pour sa part, Mustapha Nabli, économiste en chef, directeur du groupe développement économique social de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena), a insisté sur les défis liés que doivent relever les trois pays du Maghreb, notamment celui de l'emploi, tel qu'il a été souligné dans les quatre derniers rapports de la BM. « Il y a un besoin urgent de mettre en place le nouveau modèle de développement qu'ils ont déjà choisi. » Il a relevé que le secteur privé de cette région reste peu développé et les exportations hors hydrocarbures en dessous du potentiel, notant toutefois que la transition économique nécessite trois transformations fondamentales : la bonne gouvernance, la qualité de l'éducation et le rôle effectif de la femme. Il a également cité la nécessité de la bonne qualité de l'administration publique. « Il faut dynamiser le processus de réforme et réaliser les transformations fondamentales pour relever les défis de l'emploi et l'amélioration du niveau de vie », a-t-il conclu. Les débats ont été axés notamment sur la place du Maghreb dans la mondialisation. L'économiste algérien Boukrami s'est demandé si, comme l'ont affirmé certains conférenciers, pour l'Algérie la reconversion de la production pétrolière peut constituer un facteur de relance économique. Il s'est demandé également si la croissance économique relevée par la Banque mondiale en Algérie est durable, ou si elle cessera à chaque fois que le prix du pétrole chutera. La réponse de Mustapha Nabli a été très claire : « D'ici 40 à 50 ans, la ressource pétrolière disparaîtra. Il est donc important de trouver des mécanismes pour éviter d'utiliser les ressources pétrolières dans les dépenses publiques. Il y a une problématique de gestion de cette ressource qui est algéro-algérienne. Il faut également savoir que si l'environnement de l'Algérie n'est pas bien, les investisseurs ne peuvent venir. » Lors de son intervention, Hassan Abouyoub, ancien ministre marocain, a tenté de voir s'il y a une alternative au processus de Barcelone. Pour lui, d'ici 2050, le Maghreb disparaîtra du marché mondial. « Il est important d'inciter les capitaux privés de nos ressortissants, estimés à 160 milliards de dollars, à être réinvestis dans nos pays. A défaut de construire l'UMA, nous pouvons constituer un collectif de négociation qui nous permettra de discuter par exemple avec l'Europe (...) Il faut aussi arriver à une justice indépendante, des médias libres et une démocratie. » Lors des discussions qui ont suivi cette intervention, certains conférenciers se sont demandé : pourquoi la Tunisie et le Maroc ne s'entendent pas pour construire un marché commun au lieu d'attendre que l'Algérie et le Maroc s'entendent ? « S'il n'y avait pas la peur du Sahara-Occidental, l'UMA aurait-il été construit ? Je ne pense pas. Alors, nous avons besoin d'un soutien de 5 à 6 milliards de dollars afin de réussir nos projets de mise à niveau et que la population reçoive directement les retombées de la réforme... » L'après-midi, les débats ont eu lieu dans les ateliers genre et gouvernance, dont les recommandations, avec celles des ateliers du commerce extérieur et de l'emploi, seront remises aujourd'hui à la fin des travaux de cette table ronde.