La capitale du Sahara-Occidental sous occupation marocaine, El Ayoun, est, depuis plus d'une semaine, le théâtre de manifestations aux accents indépendantistes. Hier, les Sahraouis ont bravé la redoutable machine policière déployée dans cette ville garnison pour clamer haut et fort leur rejet de la colonisation en s'attaquant à des bâtiments publics, brûlant des drapeaux marocains et en brandissant l'emblème sahraoui. Bien évidemment, les autorités marocaines, comme à l'accoutumée, se sont empressées de minimiser la portée politique de cet événement en mettant les troubles sur le compte d'« éléments incontrôlés ». Comme elles ont tenté, sans succès, d'endosser la responsabilité des attentats de Marrakech aux services de sécurité algériens, avant que l'actualité dramatique des attentats de Casablanca ne les force à reconnaître l'existence d'une réelle menace islamiste dans le royaume. Depuis « la marche verte », les villes sahraouies occupées par le Maroc sont transformées en villes forteresses totalement fermées sur le monde. La répression qui s'y exerce se déroule à huis clos, loin des caméras de télévision que les autorités marocaines prennent bien soin de détourner en les intéressant à découvrir l'autre facette, aseptisée, du Maroc, qui fait courir les touristes en mal d'exotisme. Les organisations des droits de l'homme ne sont pas non plus admises dans ce « Guantanamo » du Sahara-Occidental, où le droit international n'est pas reconnu. Ce qui se passe aujourd'hui à El Ayoun était prévisible, inéluctable et s'inscrit dans le droit fil de l'histoire des peuples sous domination. En mauvais élèves de l'histoire, les autorités marocaines pensaient pouvoir assimiler, sans coup férir, les Sahraouis dans le cadre d'un système de gouvernance - l'autonomie - pourtant condamné par l'histoire partout où l'expérience avait été tentée. Les foyers de contestation et de rébellion se multiplient partout au Maroc. A la menace islamiste, s'ajoutent les violentes émeutes qui secouent depuis plusieurs jours le sud du pays, principalement El Hoceina, victime d'un terrible tremblement de terre, le tout combiné à une situation sociale et économique explosive. Avec le soulèvement de la population sahraouie à El Ayoun s'ouvre un autre front qui pourrait faire la jonction avec le mécontentement social qui gagne des couches populaires de plus en plus larges au Maroc. Le (faux) consensus national dont se prévaut le palais royal sur la question du Sahara-Occidental commence sérieusement à se lézarder. Tout comme la thèse de « l'ennemi extérieur ». Le ver est désormais dans le fruit.