La situation dans les territoires occupés du Sahara-Occidental a pris une nouvelle dimension. Celle-ci est plus inquiétante. Au point où l'ambassadeur de la RASD à Alger, Mohamed Yesslem Beissat, s'exprimant, hier, lors d'une conférence de presse, a mis en garde contre un « génocide » dans cette région, théâtre, depuis la fin octobre dernier, de manifestations pacifiques pour l'autodétermination, « violemment réprimées » par les autorités marocaines. « Nous mettons en garde la communauté internationale que la situation dans les territoires occupés risque de déraper à tout moment et se transformer en véritable génocide », a-t-il insisté. L'inquiétude du diplomate sahraoui tient pour origine « le déploiement de l'armée avec toutes ses munitions en appui aux forces de police répressives, dans la capitale du Sahara- Occidental ». L'ambassadeur, relevant la présence de trois généraux marocains à El Ayoun, donne le chiffre de 4000 militaires des Forces armées royales (FAR), arrivés ces derniers jours par voie aérienne dans cette région en appui aux nombreux corps de police qui affrontent depuis des jours la population sahraouie. La ville d'El Ayoun est littéralement assiégée par les différents corps de police et des groupes d'intervention rapide (GIR), des Groupements urbains de sécurité (GUS), de la Gendarmerie royale (GR) et des unités des Forces armées royales (FAR), qui se sont emparés des rues dans les quartiers populaires de la ville. En somme, pour l'ambassadeur, cette ville ressemble à « un camp militaire ». Les protestations, les affrontements et la répression se sont succédé dans la ville depuis le 13 novembre après que la commission officielle (marocaine) d'enquête eut reconnu de « sérieuses présomptions » de la responsabilité de deux policiers dans la mort, dans la nuit du 29 au 30 octobre dernier, du jeune Lembarki, selon M. Beissat. Actuellement, selon lui, « des manifestations quotidiennes, à caractère pacifique, se déroulent à El Ayoun et dans les autres villes du Sahara-Occidental et sont violemment réprimées par les forces d'occupation marocaines ». Le diplomate sahraoui, à Alger, a avancé le bilan d'une centaine de blessés, plus de 40 arrestations, une soixantaine de maisons saccagées par les forces marocaines, lors des manifestations de ces derniers jours, réclamant le départ de l'occupant marocain et appelant à l'autodétermination du peuple sahraoui. M. Beissat signale au passage les cas de Mme Fatimetou El Mokhtar Ould Khaya, 65 ans, non-voyante, qui a été gravement blessée à la tête avec six points de suture, et Dahmani El Betoul Hmeyada (sourde-muette), blessée elle aussi à la tête et à la cuisse. Mais aussi des jeunes femmes violées. L'ambassadeur de la RASD à Alger a rappelé que le mouvement de protestation des civils sahraouis a quatre objectifs : demander la tenue d'un référendum d'autodétermination, la libération des prisonniers politiques, le respect des droits de l'homme et l'ouverture des territoires occupés aux médias et aux ONG internationales. Face à « des manifestants dont les seules armes sont la grève de la faim et les sit-in, le gouvernement marocain a recours à la force démesurée, aux arrestations arbitraires et à la torture », s'est-il indigné, dénonçant également « le silence complice de certains pays européens, ceux qui prétendent être les champions des droits de l'homme ». Tout en annonçant, par ailleurs, la traduction devant le tribunal d'El Ayoun, le 22 novembre, d'une quarantaine de militants sahraouis des droits de l'homme, dont Aminatou Haidar et Salem El Tamek, le diplomate sahraoui a demandé aux médias et aux organisations humanitaires du monde entier d'être témoins de « cette mascarade judiciaire ». M. Beissat a, par ailleurs, accusé la France d'être le premier responsable dans l'entrave à l'organisation du référendum au Sahara-Occidental. De son côté, le président de l'Union des juristes sahraouis, Abba Salek, a demandé la mise sur pied d'une commission d'enquête internationale, sous l'égide de l'Onu, pour mettre la lumière sur le sort des milliers de disparus sahraouis durant les 30 ans d'occupation marocaine. Intervenant, pour sa part, le secrétaire général de l'association des familles des disparus et détenus sahraouis, Abdeslem Omar, considère la traduction devant la justice mardi prochain des 40 détenus, militants des droits de l'homme sahraouis, comme « une nouvelle mise en scène qui n'a pour objectif que de maintenir en détention ces hommes et femmes qui luttent pour les droits sahraouis ».