Les manifestations de civils sahraouis qui se sont déroulées la semaine dernière à El Ayoun, dans les territoires occupés du Sahara-Occidental, pour dénoncer le transfert « abusif » du détenu politique Haddi Ahmed Mahmoud, dit El Kainane, de la Prison noire de cette localité vers la prison d'Aït Melloul, ont été réprimées dans le sang par les services marocains de sécurité. L'intervention des forces de la puissance occupante a fait une soixantaine de blessés graves. Une dizaine d'activistes des droits de l'homme sahraouis, dont Iguilid Hamoudi, président de la section d'El Ayoun de l'AMDH, ont par ailleurs été arrêtés. Tout a commencé le 21 mai lorsque les autorités d'occupation marocaines ont procédé au transfert « abusif » du détenu politique Haddi Ahmed Mahmoud, dit El Kainane, de la Carcel Negra (Prison noire d'El Ayoun au Sahara-Occidental) vers la prison d'Aït Melloul, sans que ses parents aient été tenus au courant. Ce qui a fait réagir, dès le lendemain, dimanche, sa famille et des activistes sahraouis des droits de l'homme. Ces derniers ont organisé un sit-in devant la prison, à El Ayoun, d'où a été transféré le détenu pour protester contre le transfert de Haddi Ahmed Mahmoud et pour dénoncer la politique discriminatoire du Maroc. L'intervention musclée des groupes marocains d'intervention a entraîné l'embrasement général. Un soulèvement nourri à l'extrême, selon des journalistes occidentaux, par l'intransigeance du Maroc et son refus d'appliquer les résolutions des Nations unies sur le conflit du Sahara-Occidental. Le président de la RASD, Mohamed Abdelaziz, a parlé, dans une lettre adressée mercredi dernier à la présidente du Conseil de sécurité des Nations unies, Ellen Margrethe Loj, d'une répression « sans précédent ». « Les autorités marocaines viennent de réprimer violemment plusieurs citoyens sahraouis dont le seul tort est d'avoir manifesté pacifiquement et réclamé le respect des droits de l'homme, l'application des résolutions des Nations unies concernant le Sahara-Occidental, en particulier le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination », écrit-il dans sa lettre. Bilan de la répression : le président de la RASD fait état de 26 blessés, 15 arrestations parmi les activistes des droits de l'homme sahraouis et 13 familles dont les biens ont été saccagés. La population sahraouie a été matée par les groupements d'intervention rapide créés récemment par les autorités coloniales marocaines. D'El Ayoun, dans les territoires occupés du Sahara-Occidental, où nous l'avons contactée hier, Aminatou Haidar, activiste des droits de l'homme et ex-disparue forcée, a, quant à elle, dénombré une soixantaine de blessés, des dizaines de disparus et un activiste des droits de l'homme (de l'AMDH) arrêté hier matin à El Ayoun. Parmi les blessés, se trouvent, selon elle, un bébé d'un an et trois enfants âgés entre 3 et 7 ans. Cette activiste sahraouie évoque un léger retour au calme durant la journée d'hier à El Ayoun. Elle a signalé toutefois un renfort d'agents militaires ramenés de Smara. Cela signifie, pour elle, que la répression pourrait reprendre. Notre interlocutrice mentionne d'ailleurs que les arrestations se poursuivent toujours dans les principaux quartiers populaires de la ville d'El Ayoun, notamment Zemla, Maatallah, l'avenue de Smara, les artères de la ville Tan Tan, Ras Kaima, Boucraa, quadrillée depuis le premier jour par les autorités marocaines. Les quartiers ont été aussi survolés hier matin par des avions et des hélicoptères marocains. Ces vols ont été suivis d'un retour des « forces de la répression », a-t-elle dit. Aminatou Haidar fait état également d'« interventions agressives » des autorités marocaines contre les étudiants sahraouis à Rabat. Dans sa lettre, Mohamed Abdelaziz a qualifié cette répression de « fait d'une extrême gravité ». Le SG du Front Polisario a appelé à l'intervention du Conseil de sécurité pour que la Minurso assure la protection d'une population meurtrie et terrorisée dont le seul crime est de demander que ses droits démocratiques soient garantis par la communauté internationale. A préciser que l'Association française des amis de la RASD a dénoncé « vigoureusement » hier « la répression lancée par le pouvoir marocain contre des manifestants » à El Ayoun où des manifestations ont lieu depuis quelques jours pour l'indépendance et l'autodétermination. « Depuis vendredi (hier, ndlr), la situation est malheureusement devenue dramatique. La police marocaine, le groupe urbain de sécurité en particulier, a très brutalement réprimé cette manifestation dans El Ayoun où sont présentes beaucoup de femmes. Plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées ou blessées », a indiqué l'association dans un communiqué rendu public le même jour. Cette association a dénoncé « vigoureusement la répression lancée par le pouvoir marocain contre des manifestants qui ne font qu'exprimer pacifiquement ce que la communauté internationale leur a promis depuis 30 ans : l'autodétermination et l'indépendance ». Aussi, elle n'a pas manqué d'appeler « la presse française, les associations de défense des droits de l'homme, les organisations politiques à s'intéresser davantage à ce qui se passe au Sahara-Occidental occupé et à prendre toute la mesure de la volonté du peuple sahraoui à refuser l'occupation coloniale de son pays ». L'Association des amis de la RASD attend également des autorités françaises qu'elles prennent « très vite leurs responsabilités comme membre permanent du Conseil de sécurité (...) ».