Le discours d'apaisement tenu, au début du mois, par le ministre de la Communication en direction de la presse privée avait laissé entendre que les pouvoirs publics avaient pris la décision d'enterrer la hache de guerre et de privilégier le dialogue et la concertation dans le traitement de la dette des journaux. Ce n'est apparemment pas le cas. Si les patrons de presse attendent toujours une invitation au dialogue de M. Haïchour, les imprimeurs ont décidé, quant à eux, de ne plus attendre le feu vert de leur tutelle pour récupérer leurs dû. Etouffés par les créances (près de 160 milliards de centimes), ils n'hésitent plus à user de l'arme de la suspension pour convaincre leurs clients, parmi lesquels figurent des journaux étatiques, de s'acquitter de leurs dettes. Outre le problème des créances, la Simpral enregistre un découvert bancaire de l'ordre de 85 milliards de centimes. Avant de mettre à exécution la menace de suspension, les représentants des travailleurs des imprimeries publiques en service à Alger ont tenu, d'abord, à rendre visite à leurs clients. Lors de leur rencontre avec les éditeurs, ils ont fait le point sur la « situation financière précaire » caractérisant leur outil de production. Pour normaliser la situation, les syndicalistes avaient souligné la nécessité de « mettre fin aux anciennes pratiques faites d'injonctions du pouvoir pour tirer des journaux qui ne paient pas ». A cette occasion, les syndicalistes ont expliqué que le recouvrement des créances était le seul moyen restant, à leurs entreprises, pour éviter de mettre la clé sous le paillasson. D'où la nécessité pour les titres, ont-ils soutenu, de commencer à rembourser, sans plus attendre, leurs dettes. L'initiative des travailleurs des imprimeries n'a visiblement rien donné puisque certains journaux ont commencé à disparaître des kiosques. C'est ainsi qu'après la suspension, hier, du tirage du quotidien Le Matin au centre du pays, les imprimeurs ont mis dans leur collimateur deux autres titres. Il s'agit du quotidien francophone Le Nouvel Algérie actualité, arrivé sur les étals le 14 juillet dernier, et du titre en arabe El Djarida. A l'instar du Matin, ces deux journaux ont été suspendus, depuis jeudi dernier, faute d'avoir honoré leurs dettes auprès de la Société d'impression d'Alger (SIA). Panique Les choses ne devraient pas s'arrêter là, car d'autres suspensions sont à prévoir durant les jours à venir. A ce propos, une source proche de la Simpral a affirmé, hier, qu'il n'y aura pas de traitement de faveur puisque les dossiers de tous les journaux endettés ont été mis sur la table. Soucieuse de ne pas susciter un vent de panique chez les éditeurs, notre source a précisé, par ailleurs, que l'ouverture du dossier de la dette des journaux ne signifie pas forcément que la solution réside dans la suspension de la relation commerciale. Celle-ci, explique-t-on, ne s'appliquera qu'aux titres ayant de grosses dettes et qui refusent de répondre aux mises en demeure des imprimeries. Concernant justement les journaux qui n'ont pas les moyens de payer dans l'immédiat mais qui, néanmoins, feraient preuve d'une bonne volonté, les imprimeurs prévoient de revoir uniquement leur tirage à la baisse. Exception faite de la direction du Matin dont la position est connue, les responsables des quotidiens se trouvant actuellement dans le collimateur des imprimeries ne se sont pas exprimés sur ces mesures de suspension. Ils pourraient le faire, indiquent les observateurs, à l'occasion d'une réunion, le 27 juillet prochain, à laquelle viennent d'appeler 24 patrons de presse. Cette rencontre, dont la tenue a été décidée le 20 juillet dernier, « a pour objet de débattre l'ensemble des problèmes liés à la profession ». Les patrons de presse comptent mettre à profit ce rendez-vous pour sortir avec des propositions et une position commune sur ce que doivent être « la loi sur l'information et le code de l'éthique, actuellement en pleine élaboration, et les relations avec l'administration », cela dans la perspective de leur rencontre avec le ministre de la Communication. Pour de nombreux éditeurs, cette rencontre devrait permettre de révéler une fois pour toutes les intentions véritables des pouvoirs publics à l'égard de la presse privée et de vérifier que la révolte solitaire des imprimeries n'intervient pas uniquement dans le but de faire taire les journaux refusant de caresser dans le sens du poil.