«Le camarade vénéré ministre de la Participation a triché. Aucun accord n'a été conclu avec l'Ugta.» C'est en ces termes extrêmement durs que Abdelmadjid Sidi Saïd a résumé la rencontre qu'il a eue dimanche avec Hamid Temmar. Cette rencontre, annoncions-nous hier en exclusivité, a tourné court en fin de journée avec toutes les conséquences graves risquant d'en découler. Dans ce contexte précis, le patron de la Centrale n'a guère mâché ses mots. «En déclarant que nos observations le dépassaient et que nous devions en référer au gouvernement, le ministre s'est disqualifié, il a jeté l'éponge, nous en avons pris acte et arrêté le débat avec la décision ferme de revendiquer une bipartite pour discuter de la stratégie globale en matière de réformes économiques.» La Centrale donne l'air d'être d'autant désarçonnée que le ministre lui-même a stigmatisé la mondialisation et les graves conséquences qui en découlent sur des pays émergents comme l'Algérie. Un pareil discours, est-il relevé, tranche nettement avec la démarche suivie. «Cette pratique du double discours prouve bien le manque de visibilité des pouvoirs publics et le blocage dans lequel ils se trouvent.» Mohamed Lakhdar Badreddine, secrétaire national chargé des affaires économiques, a été encore plus dur, martelant: «Le gouvernement a échoué dans ses projets de réformes. La rencontre avec le ministre devait être un espace de débat, pas celui d'une prise de décisions. C'est ce qu'a pourtant tenté de laisser entendre le ministre dans la rencontre qu'il a eue avec la presse.» Il serait donc permis de croire que l'Ugta a pu se laisser piéger à travers cette rencontre. D'autant que le CPE avait tenu un conclave quelques jours auparavant pour décider d'un premier lot de 40 entreprises à mettre en vente, dont la liste a été publiée sommairement par nos soins dans notre édition d'hier. A cette question posée par nous, Sidi Saïd, qui ne donnait pas l'air de vouloir intervenir, laissant le soin de le faire à Badreddine, est sorti de ses gonds, faisant une déclaration longue et intempestive. «Nous sommes au contraire contents de cette rencontre et des décisions qui avaient été prises quelques jours auparavant», a-t-il martelé avant d'ajouter que «le gouvernement, en 98, avait sorti une liste de 89 entreprises à privatiser. Aucune ne l'a été. Quatre années plus tard, il nous sort une autre liste, de 40 entreprises, dans laquelle ne figure aucune des 89 précitées. Nous sommes en droit de réfuter cette démarche tant que des comptes ne seront pas rendus. Comment ces génies ont-ils élaboré cette liste dans laquelle figurent les 11 unités de production de lait, principal aliment avec le pain et la pomme de terre de l'Algérien moyen et pauvre.» Tout en mettant en avant la volonté de l'Ugta de privilégier le dialogue et de ne pas contribuer à renouveler en Algérie les scénarios qui se passent dans certains pays de l'Amérique latine, Sidi Saïd a précisé que «toucher au lait fait que l'affaire ne concerne pas seulement l'Ugta, mais le peuple tout entier. Ceux qui se taisent aujourd'hui deviennent des complices». Et de menacer, enfin: «Nous irons jusqu'au bout, quitte à ce que nous soyons seuls contre tous. Celui qui nous cherche nous trouvera.» En attendant, a-t-on pu apprendre de la part de Sidi Saïd, une lettre devait être envoyée dès hier soir au Chef du gouvernement dans laquelle il lui sera officiellement demandé une rencontre bipartite dans laquelle «il ne sera plus question de points de détails comme la Fonction publique ou les salaires, mais de définir de manière claire et concertée une stratégie économique qui aille dans le sens des intérêts du pays et des citoyens.» L'Ugta, ce disant, a tenu à préciser qu'elle ne rejette pas la mondialisation, à condition que celle-ci soit adoptée suivant un plan pragmatique et non pas dogmatique. Nous croyons savoir, en outre, que dans le but d'éviter le pire, c'est-à-dire une grève générale et nationale, la Centrale pourrait se ménager une ultime issue de secours, qui est celle de faire appel à l'arbitrage du Président de la République. Une affaire à suivre. De très près.