Présidente de l'Association des femmes algériennes pour le développement (AFAD), Mounira Haddad est une femme de terrain. Après la création des marchés, des microentreprises, des formations et autres actions à destination des femmes algériennes, votre association semble se préparer à un autre objectif allant toujours dans le sens de l'épanouissement de la femme ? Effectivement, nous avons profité de notre participation au sommet des femmes d'affaires arabes, du 24 au 26 mai à Tunis, pour donner notre point de vue sur les démarches à entreprendre pour le développement et l'épanouissement des femmes chefs d'entreprise et occupant de hautes responsabilités dans les pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord. Organisée à Tunis par l'ambassade des Etats-Unis en collaboration avec le gouvernement tunisien, cette manifestation a été placée sous la présidence du secrétariat d'Etat américain. Durant ces 3 jours, nous avons étudié en commun les meilleurs moyens à mettre en œuvre pour que cet épanouissement et ce développement se transforment en une réalité palpable. Peut-on parler de résultats atteints et de participations rentables des représentantes algériennes à ce sommet des femmes arabes ? Aujourd'hui, il est prématuré d'affirmer qu'un quelconque objectif a été atteint. Je dois dire que les interventions et les débats ont été très riches en enseignements et en informations sur la situation des femmes arabes dans leur pays. La douzaine de femmes algériennes représentatives d'AFAD et de l'Association algérienne des femmes chefs d'entreprise Savoir et Vouloir Entreprendre - SEVE - a profité de cette opportunité pour lancer un appel aux gouvernants arabes. Elles ont souligné la nécessité d'accorder une plus grande liberté de mouvement aux femmes arabes et leur permettre d'accéder à des postes de responsabilités dans les domaines politique, économique et social... Doit-on comprendre qu'à travers ces deux associations, l'action des femmes algériennes se limite à des appels ? Nous ne sommes pas partie prenante de la passivité, de discours démagogiques et de ce qui se trame autour de la femme, à cette discrimination qui la frappe à tous les niveaux de la vie de notre société. Non, nous ne limitons pas notre action à des appels, car nous sommes constamment sur le terrain au contact direct des problèmes auxquels la femme algérienne est confrontée. Cette présence assidue, les contacts réguliers et multiples que nous entretenons tant au plan national qu'international, avec les institutions onusiennes comme le Haut Commissariat aux réfugiés, le Conseil économique des femmes d'affaires du monde arabe, notre partenariat matérialisé dans les faits depuis six années avec l'Organisations des Nations unies, plaident pour nous. Dans nos actions, nous ne faisons pas le distinguo entre l'une et l'autre des femmes qui composent la société. Ce qui nous a permis d'enrichir nos informations sur la situation et les compétences de la femme algérienne. Oui, mais dans la pratique qu'avez-vous fait pour cette femme ? Si je devais faire l'inventaire des actions entamées, achevées et réussies en faveur de la femme algérienne, toute une journée ne suffirait pas. Nous avons brassé large dans les domaines économique, social, politique et culturel. Les rencontres internationales telles celles de Tunis et du 20 juin 2005 à Paris sur la microfinance organisée par l'Agence française du développement, vont nous permettre de mieux peaufiner d'autres actions. Notre objectif est, entre autres, de mettre un terme au corporatisme qui empêche la femme algérienne d'accéder à des postes de responsabilité. Je précise que le sommet des femmes arabes de Tunis a été initié par l'institut BEYSTER de l'école de gestion de l'université de Californie à San Diego. Il a été organisé sous le patronage d'Initiative de partenariat entre les USA et le Moyen-Orient du département d'Etat américain. Quelles sont les autres actions que votre association compte entreprendre ? La plus proche consiste en la mise en place d'une commission nationale sur la gouvernance à l'effet de procéder à l'évaluation par pairs. Nous envisageons également des campagnes de sensibilisation pour une plus grande présence de la femme sur le terrain et sa représentativité au sein des institutions de la république exécutives et législatives. En matière de promotion de la femme, une récente étude sur la situation de la femme africaine a montré que le Rwanda, pourtant un des pays les plus pauvres du continent, est classé en tête de liste des pays où les femmes occupent le plus de responsabilités locales. Nous estimons qu'il est grand temps que la femme algérienne s'implique localement dans la lutte pour décrocher des postes de responsabilité à l'échelle de l'exécutif local. Nous avons ouvert un débat en ce sens. Il faut bannir la voie de la femme alibi et aller vers les compétences féminines. Elles existent dans notre pays. C'est pour cela que nous revendiquons le principe : à compétence égale, responsabilité égale. Qu'on arrête surtout d'invoquer les attitudes sociales et culturelles.