Connaissez-vous un grand écrivain saoudien d'envergure internationale ? Il n' y en a aucun, pour la simple raison que le seul écrivain saoudien de dimension universelle a été déchu par le royaume wahhabite de sa nationalité et est décédé en exil à Londres, en novembre 2003, dans des conditions déplorables, à la limite de la misère et de la démence ! Il s'agit du grand romancier Abderrahmane Mounif traduit dans vingt langues. Deux grands sujets ont fasciné Abderrahmane Mounif, durant sa vie : l'horreur élevée comme l'épée de Damoclès par les services secrets des dictatures du Moyen-Orient et le pétrole comme vecteur de corruption et d'avilissement. Dans son roman A l'est de la Méditerranée (traduit aux éditions Actes Sud), il démontre comment les services secrets d'un pays, qu'il ne nomme pas, pratiquent les sévices les plus horribles sur tout militant, soi-disant, soupçonné d'activité subversive. En fait, ce « mouchaouche » (subversif) n'est autre que l'intellectuel de gauche ! Quant au pétrole, il n'est pas une manne du ciel, mais une damnation d'Allah. C'est ce qui ressort du roman en cinq tomes Les villes de sel, publié par Abderrahmane Mounif entre 1990-1999. Les monarchies du Golfe sont mises en décision. On se croirait au temps des Mille et une Nuits, mais Shahrayar n'est pas cet empereur vampire du Moyen-Orient : il est Américain ou Européen, et au lieu de sucer le sang de Shéhérazade, il suce... le pétrole ! Les princes avilis et les « chouyoukh » de paille sont commandés par « l'étranger » qui fait la pluie et le beau temps. L'immense Sahara d'où jaillit le liquide précieux est devenue une terre décharnée, polluée et invivable. A la manière de Gabriel Garcia Marquez, Abderrahmane Mounif utilise le réalisme merveilleux pour raconter les malheurs de ces monarchies pétrolières qui ont tout vendu au diable : terres, hommes, bêtes, oiseaux, plantes et... insectes ! Dans l'esprit des princes et « chouyoukh », le temps n'a pas bougé d'un iota. Les esprits sont restés collés aux temps des villes de sel du VIIe siècle. Seul le décor a changé : le chameau est remplacé par la Land Rover ou la Pajero, du fougara on ne puise plus l'eau douce, mais ce liquide noir et visqueux, au campement de tentes a succédé la ville moderne. Seulement, les esprits de ses habitants sont « cloués » au temps où le Prophète Mohamed (QSSSL) apprenait aux « djahilis » les premiers principes de l'Islam. Pendant ce temps, « l'étranger » pompe le pétrole nécessaire à sa civilisation moderne et moderniste ! Une année avant de mourir, Mounif a publié un roman « sulfureux » Terre des damnés où il montre comment les dictatures du Moyen-Orient écrasent des peuples entiers par des méthodes de gouverner qui n'ont rien à envier à celles du Moyen-Age. Fidèle à ses principes de militant des causes justes, Abderrahmane Mounif a tout perdu, y compris sa nationalité, mais il a gagné l'essentiel pour un écrivain : le respect de millions de lecteurs.