Sur fond de mise en garde sécuritaire, le nouveau souverain wahhabite inaugure son règne par la clémence en graciant des condamnés. Le nouveau souverain wahhabite, Abdallah, qui a succédé mercredi dernier au roi Fahd, décédé le 1er août, a inauguré son règne par un geste symbolique, sans doute, mais fort dans les circonstances qui sont celles du Royaume saoudien. La grâce royale accordée à cinq militants saoudiens condamnés récemment à des peines de prison se veut un augure de la clémence royale, voire un geste envers les islamistes et l'opposition réformiste, très actifs lors du règne du défunt roi Fahd. Il ne fait pas de doute aussi que le roi Abdallah, qui doit faire face à un challenge difficile — dont le moindre n'est pas les réformes, incontournables auxquelles le royaume doit faire face et laissées en jachère par le roi Fahd, handicapé par la maladie — essaie ainsi de calmer le jeu et de réorienter les priorités. La grâce de militants islamistes et réformistes, et de l'avocat qui les a défendus, lors de leur procès, outre un geste de clémence peut aussi s'interpréter comme un geste d'apaisement. L'Arabie Saoudite, et plus encore le nouveau roi, en effet, ont besoin de sérénité pour dépasser la donne induite par la disparition du roi Fahd et trouver les solutions que requiert la situation du royaume. Plus rigoriste que le roi Fahd, considéré comme un tenant du panarabisme, moins inféodé au puissant allié américain, le roi Abdallah - quoique ayant assuré de facto l'intérim du royaume durant onze ans- doit maintenant faire ses preuves tant au plan interne, où la situation s'est dégradée ces deux dernières années -avec les multiples attentats imputés aux représentants locaux d'Al Qaîda- qu'au plan international, en redorant une image de l'Arabie Saoudite passablement détériorée depuis les attentats antiaméricains du 11 septembre 2001 où pas moins de quatorze terroristes, sur les 19 qui avaient pris part à l'attaque, étaient des Saoudiens. Au plan interne, la grâce a touché cinq militants, dont trois réformateurs qui demandaient des réformes constitutionnelles pour le royaume le plus rigide et le plus conservateur dans le monde. La grâce du roi a été saluée par les proches des réformateurs qui ont accueilli avec satisfaction cette décision. Par ailleurs, le roi Abdallah a aussi gracié l'avocat saoudien Abd Al Rahman Al-Lahem, qui avait assuré la défense des trois réformateurs. Cette détention faisait suite aux critiques qu'il a formulées à l'encontre des pratiques judiciaires lors du procès des réformateurs. Un islamiste, Saïd Ben Zouheir, qui purgeait une peine de cinq ans pour avoir justifié les actes de violence dans le royaume, figure parmi les graciés selon le ministre saoudien de l'Intérieur. Au plan extérieur, le premier acte du nouveau roi a été la grâce accordée à un certain nombre de détenus libyens, accusés d'avoir comploté contre la vie du roi Abdallah, alors prince héritier. C'est ainsi, qu'un communiqué, publié à l'issue de la première réunion du conseil des ministres depuis l'accession du roi Abdallah au trône, a indiqué que le roi Abdallah a «informé le conseil des ministres qu'il avait accordé sa grâce à un certain nombre de détenus libyens». Les Libyens, dont le nombre n'est pas précisé, ont été graciés en dépit des «preuves sur leur implication évidente dans le complot visant la stabilité et la sécurité du royaume», a ajouté le communiqué. Selon la presse saoudienne à l'époque de ces évènements, il s'agirait de treize suspects, qui étaient détenus, depuis la révélation de l'affaire en novembre 2002, pour «tentative d'assassinat contre le prince Abdallah». Parmi ces suspects figuraient cinq Libyens, dont quatre seraient des agents de renseignement, et huit Saoudiens. Certes, Tripoli avait nié toute implication dans cette affaire. Depuis, les relations entre les deux pays sont très mauvaises. Toutefois, un représentant du guide libyen, Maâmar El Gueddafi, est venu la semaine dernière à Riyad présenter les condoléances de la Libye au nouveau roi suite à la mort du roi Fahd. Cette grâce des Libyens est un geste très fort du roi Abdallah qui, sans doute, veut dédramatiser le différend entre Riyad et Tripoli, lequel a eu des retombées fâcheuses sur la cohésion du monde arabe. Mais, le roi Abdallah est d'ores et déjà soumis à la pression après les mises en garde successives de Washington, Londres et Canberra, adressées à leurs ressortissants, sur l'imminence d'un attentat en Arabie Saoudite. Les Etats-Unis ayant même fermé hier et lundi leurs missions diplomatiques dans le royaume. Pour parer à toute éventualité, les autorités de Riyad ont pris des mesures de sécurité drastiques autour des missions diplomatiques et des résidences touristiques fréquentées par les Occidentaux. Dans ce contexte, le porte-parole du ministère saoudien de l'Intérieur, le général Mansour Al-Turki, sans minimiser le danger, a cependant indiqué ne pas détenir d'informations «qui pourraient confirmer l'existence d'une planification d'attaque terroriste». «L'acte terroriste peut se produire à n'importe quel moment», a toutefois concédé M.Al-Turki, affirmant par ailleurs que les mesures de sécurité en vigueur étaient «adéquates et suffisantes».