Seif oua lebhar traite du thème du suicide, mais là n'est pas uniquement l'intérêt de cette pièce de théâtre produite par la compagnie du Théâtre de la vie, une nouvelle troupe indépendante qui vient enrichir (et c'est tant mieux) la chaîne du 4e art à l'échelle nationale. Le suicide devient en fait prétexte à une lente et « lente » introspection. Les trois personnages de Seïf oua lebhar qui ont joué avant-hier « leur générale » face au public du théâtre régional Abdelkader Alloula (Oran) sont adversaires avant d'être compagnons de la vie. On se cherche en soi. Par soi, mais sans résultat et, surtout, sans espoir de délier le contenu de cette quête de soi. Inscrite aussi bien dans son écriture que dans sa mise en scène dans le ton grave-amer, l'œuvre de Abdelkrim Ghribi réalisée par Mansouri Lakhdar évoque en fait le drame humain dans ses déclinaisons contemporaines et les complications qui en découlent. C'est un théâtre sombre dans ses descriptions et repères, économe en gestes et effets-spectacles, même si le spectacle de Seïf oua lebhar nous est d'abord proposé par... la mer. La mer dans son siège permanent, lancinant et mystique. L'espace dramaturgique dans l'adaptation de Ghribi d'un texte de Mrozek, ce sont les avis des deux personnages que tout partage, sauf l'amour, subit pour une femme qui vient chambouler leur envie commune de se suicider. Un moment de tension pour ne pas dire de ferveur que le metteur en scène préfère octroyer à la... mer. Ce 4e et splendide personnage pris en photo par Mustapha Abderahman monté cinématographiquement par Mesri Lahouari et rythmé musicalement par Rachid Hamidèche. Pour le reste, la mise en situations scéniques s'est suffi de meubler l'espace, de mots - c'est l'alchimie des mots et les emprunts langagiers tirés du réel (un peu trop répétitifs chez Iqache Ghalem) qui ont la primeur. La réalisation théâtrale quelque peu rigide, notamment en seconde partie du spectacle, insiste effectivement sur la solitude de l'individu. Elle est cependant inégale et ne bénéficie pas toujours du même traitement dans la conduite et la densité du récit ; inégale particulièrement dans sa partie interprétation. Si Azzouz Benamar reste dans l'esprit de la pièce, sobre dans le jeu persuasif dans le déroulement de la fable et juste dans l'intonation verbale qu'il veut conforme à son statut, Ikache Ghalem par contre déborde carrément de cet esprit pour verser dans une sorte de frénésie verbale et gestuelle pas nécessairement recommandée (on ne tombe pas amoureux de manière farfelu et le théâtre, art de l'imaginaire en effet, ne peut et ne doit tout accepter) et son origine « populaire » ne peut en aucun cas se vêtir d'oripeaux populistes. Amel Bentolba, qui a tout d'une tragédienne pur jus, est dans Seif oua lebhar quelque peu ligotée, empêchée par une direction d'acteurs qui impose à faire « esprit papillon » léger, avec çà et là des clins d'œil à Mara Mara réalisé par le même Mansouri. Ses penchants (dans la pièce) pour l'un ou l'autre des deux soupirants n'ont pas toujours l'épaisseur (ou la justification) que recommande le texte initial ce qui donne une pièce à plusieurs moments. Des moments de grande intensité, hélas courts, beaux à voir et à ressentir, c'est indéniable et des moments (du surplace) qu'il faut peut-être alléger pour que le choix du personnage « mer » - bien pensé dans la scénographie subtile de Halim Rahmouni - ne submerge pas une histoire qui peut bien tourner au grand plaisir des spectateurs. Les ingrédients d'une œuvre de poids existent. Une digression pour dire cette fois-ci un grand bravo à l'équipe qui a monté un spectacle sans l'aide de qui que ce soit. Une équipe qui a mis la main à la poche de ses éléments pour monter par elle-même un spectacle dédié à Mohamed Haoulia.