Les manifestations des populations sahraouies contre la visite de cinq jours qu'effectue depuis lundi le roi du Maroc, Mohammed VI, dans les territoires occupés du Sahara-Occidental, ont été violemment réprimées par les milices marocaines. Selon l'agence de presse sahraouie SPS, au moins 10 femmes sahraouies ont été blessées et 11 domiciles saccagés dans la ville de Smara occupée. « Les forces coloniales marocaines ont immédiatement réprimé les manifestations et procédé violemment au saccage de 11 domiciles sahraouis, détruisant portes, fenêtres et biens de leurs locataires », indique SPS, soulignant le cas d'une citoyenne sahraouie, Aziza Tanji, qui « a été arrêtée et sauvagement torturée » par des agents de sécurité marocaine. Le quotidien espagnol El Mundo a parlé, dans son édition d'hier, des pressions exercées par les forces de sécurité marocaines sur les populations sahraouies afin qu'elles ne sortent pas manifester dans les rues. Il a indiqué que deux lycées, Msala et Lissane Eddine, ont été mis sous le contrôle d'agents de la police marocaine, déguisés en professeurs ou en employés afin qu'ils ne fassent rien. Le même journal, repris par l'APS, a rapporté que Hammoud Iguilid, membre d'une association locale des droits de l'homme, arrêté samedi dernier, a été passé à tabac avant qu'il ne soit conduit au commissariat, où il a été maltraité et menacé d'une condamnation à 5 ans de prison. Ce militant des droits de l'homme a parlé à El Mundo de la « déportation » de certains de ses compagnons hors d'El Ayoune en leur interdisant de revenir dans cette ville avant quelques semaines. Soit pas avant la fin de la visite de Mohammed VI. Les manifestations, qui ont commencé depuis samedi dernier, se sont poursuivies dans la journée d'hier dans les territoires occupés. Elles ont touché Mattata et Intifada, deux principaux quartiers de la capitale sahraouie occupée. Selon El Mundo, de nombreux habitants du quartier Mattata, où se sont déroulées les manifestations de 2005 en faveur de l'autodétermination du peuple sahraoui, ont dû abandonner leurs maisons ou s'enfermer à l'intérieur parce que la police les a menacés de dures représailles au cas où ils protesteraient contre la visite du roi. Plusieurs autres protestations sporadiques ont éclaté à Smara, où un « sit-in pacifique » a été organisé par les habitants, arborant des drapeaux de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et scandant des slogans contre la venue du roi du Maroc et contre l'autonomie qu'il propose. A Boujdour, 180 km au sud-ouest d'El Ayoune, les étudiants et les élèves des collèges et lycées de la ville ont également manifesté lundi dernier, arborant les couleurs nationales sahraouies avant d'être dispersés. Au cours de ces manifestations, les forces de sécurité marocaine ont arrêté l'ex-prisonnier politique et président du Comité de défense des droits des prisonniers de la Carcel negra, Salek Bazeid, ainsi que plusieurs autres personnes qui n'ont pas encore été identifiées. Les manifestants, qui rejetaient la visite de Mohammed VI, réclamaient également le retrait immédiat de l'occupation marocaine et le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination et à l'indépendance. Selon le ministre sahraoui de l'Information, Sid Ahmed Batal, cité hier par SPS, les frontières du territoire sahraoui ont été fermées depuis plusieurs semaines devant les déplacements des personnes entre les villes soumises depuis 1975 à un blocus sécuritaire. Il précise, en outre, que tous les quartiers sont quadrillés et littéralement pris par une armada des corps militaires et paramilitaires. Un état de siège y a aussi été imposé, doublé d'enlèvements et d'arrestations arbitraires dans les rangs des citoyens sahraouis. Le gouvernement sahraoui a averti, lundi, quant aux « conséquences dangereuses » pour la paix et la sécurité dans la région qui peuvent découler de cette visite. Dans une longue déclaration à SPS, le ministre sahraoui de l'Information a appelé l'Onu à « protéger les citoyens sahraouis contre la répression qu'exercent contre eux les forces coloniales marocaines et à garantir leur liberté fondamentale en attendant la décolonisation de leur pays à travers un référendum libre et démocratique, étant une tâche assignée à l'ONU et pour laquelle la Minurso se trouve dans le territoire ». Sid Ahmed Batal avait accusé le Maroc d'avoir « opté pour la provocation, l'escalade, la tension et la fuite en avant ». Selon lui, le royaume marocain « se trompe s'il s'imagine qu'il peut promouvoir le fait accompli colonial à travers la visite de son roi, après qu'il ait échoué à le consacrer durant les trente dernières années avec ses différents moyens militaires, politiques et sociaux ». Rappelant l'engament du gouvernement de la RASD à respecter à la lettre les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, Sid Ahmed Batal promet cependant que le même gouvernement « saura comment réagir à cette provocation et cette nouvelle agression ». Répondant à l'annonce de Mohammed VI d'un certain nombre de chantiers lancés dans les territoires occupés, Sid Ahmed Batal a indiqué que « le Maroc n'a apporté que la destruction, le pillage des richesses naturelles, les mines, les remparts militaires, la dépravation des mœurs, la perversion et les drogues ».