Un an. Le 14 juin 2004, Mohamed Benchicou était directeur du quotidien Le Matin. Mais surtout, Mohamed Benchicou était en liberté. Un rassemblement s'est tenu hier à la maison de la presse Tahar Djaout, en l'honneur du journaliste, mais également à la mémoire des journalistes morts, Adel Zerrouk (El Bilad) et Fadela Nedjma (El Echourouk El Youmi), lors de la manifestation réprimée du 14 juin 2001. Un rassemblement qui se voulait libérateur et mobilisateur. Le rendez-vous était donné pour 11h 30. Le programme : une marche jusqu'au carrefour de l'avenue Belouizdad, une minute de silence à la mémoire des deux journalistes morts et une procession jusqu'à la place de la Liberté de la presse, à la rue Hassiba Ben Bouali. La marche jusqu'à la place de la Liberté de la presse, toujours en construction, n'a pas eu lieu. La mobilisation était réduite à quelques « intimes », toujours solidaires des journalistes. Ali Yahia Abdennour, Abrika, Redouane Osmane du CLA, le commandant Azzedine, la famille de Mohamed Benchicou, les éditeurs de presse et les journalistes. Des embrassades, quelques accolades pour se soutenir. Des discours virulents, jonglant entre humour et humeur. A l'entrée de la Maison de la presse, la garde est assurée par des policiers. De nombreuses voitures sont stationnées en face. Ce qui est inhabituel. C'est interdit ! D'ailleurs, aucune voiture n'a l'autorisation, en ce jour, de pénétrer les lieux. Les vigiles sont aux aguets et réceptionnent les pièces d'identité de toutes les personnes qui se présentent à l'entrée. « Nous avons environ 160 ou 200 pièces d'identité. Il doit donc y avoir quelque 250 personnes pour le rassemblement, puisque les professionnels entrent librement », explique un garde. Devant la grande bâtisse qui abrite la plupart des journaux et qui constitue le point de rendez-vous du rassemblement, cela semble pourtant désert. Des banderoles ont été accrochées par le Mouvement démocratique et social (MDS) au-dessus de l'entrée du quotidien El Khabar. « Libérez Benchicou » est-il écrit sur les banderoles. En haut des marches, des intervenants, munis d'un mégaphone, témoignent de « cette répression » qui sévit dans le pays, « du musellement de la presse » et de toutes les voix discordantes du Pouvoir. Ils témoignent de ce mal-vie conséquent à l'embrigadement des principes et des valeurs démocratiques. Et à la trahison de ceux qui ont combattu avant nous. Des groupuscules écoutent et ponctuent les discours de quelques brefs applaudissements. Timides, minorés ou peu stimulés, l'ambiance n'est pas à la fête. Ni à celle de la prise de position passionnée, incontrôlée et insoumise. Tout juste conviviale. Pour la symbolique. De petits groupes s'amoncellent et se meuvent dans un rythme cadencé. Une cadence imposée par des rayons de soleil ravageurs et sans merci. Les petits groupes, soumis et à l'écoute des discours, s'éloignent graduellement de leur point d'origine pour se diriger inconsciemment vers un coin d'ombre. L'ombrelle assurée étant la caféteria, qui en ce jour de rassemblement et de recueillement reste malgré tout fréquentée. aA l'écart, mais face à la tribune, des intervenants, Fouad Boughanem et Nacer Belhadjoudja, directeur de la publication et directeur de la rédaction du Soir d'Algérie, se regardent. Fouad Boughanem, dans un costume sombre, converse au téléphone. « Deux mois ou six mois ? », interroge-t-il au téléphone. « Ferme !? A tout à l'heure », répond le directeur du Soir d'Algérie. Il s'entretient avec l'avocat du journal, Khaled Bourayou. Kamel Armani vient d'écoper de six mois ferme et Fouad Boughanem de deux mois ferme. Ainsi que d'une amende de 250 000 DA. Plus loin, le microphone grésille de propos ravageurs : « Libérez les innocents, tuez les assassins » !