La nouvelle fait mal. Comme celle de la mort. Mort d'un artiste. Othmane Bali est décédé hier. « Il a été emporté par les eaux », nous annonce une voix au téléphone. Voix hésitante tant est grande la douleur. L'artiste a été retrouvé en dehors de Djanet, au cœur du Tassili n'Ajjer, à 2000 km d'Alger. Il est resté discret jusqu'au bout. Les eaux en furie, qui ont redonné vie aux rivières asséchées après des pluies torrentielles, ont emporté le véhicule de Othmane. Le réveil de l'oued Tinjatat, qui traverse Djanet, a été fatal pour un artiste qui a toujours chanté les beautés dures de la région. Région qui, selon l'APS, n'a pas vu de telles pluies depuis 41 ans. Et Othmane Bali est mort à 52 ans. Les crues ont « entraîné » poteaux, véhicules... Othmane Bali est parti sans avoir achevé son œuvre. œuvre immense comme son désert natal et sa culture targuie. Etudiant en médecine, il achète un luth. Cet instrument sera son compagnon de route. Il fait des recherches. Et trouve des trésors. Et il écrit des textes en tamacheq et en arabe. Et chante. D'une voix chaude. Forte et présente. Il met en place un ensemble. A sa tête, sa mère, Khadidjata. Elle est avec lui partout où il passe. Tout comme Thameur Zohra, Benomar Mokhtar, Malika Fatima, Elies Mohamed, Zehouani Yamina, Bouazza Mokhtar et Khabou Ismaïl qui assurent les chœurs et les percussions. La musique est une affaire de famille chez les M'barek, nom d'état civil de Othmane Bali. « Je jouais du luth, mais comme je ne maîtrisais pas cet instrument, j'ai dû compter sur ce qu'on appelle l'oreille musicale », confie-t-il un jour. Au cours de ses voyages, l'artiste a rencontré l'Américano-Indien Sherokee, Steve Shehan, compositeur à l'imagination fertile, qui cherchera son inspiration dans les moiteurs des continents. Rencontre bénéfique puisque trois albums seront produits. Albums aux tonalités roots : assouf (nostalgie), assarouf (pardon) et assikel (voyage). L'enregistrement se fait dans une cuisine aménagée. Il n'aime pas trop les studios et leur univers. Il aime bien puiser dans la gamme « pentatonique » reconnaissable dans les pays du Sahel et du Maghreb. S'il adore l'« impro », Othmane Bali se forme en musique, lit des partitions et en écrit. Il dépasse les « logiques » mathématiques de la musique et en rajoute des couches. Il joue du « contemporain touareg », comme il aime à le désigner. Au point qu'il devient une curiosité pour les musicologues, dont ceux qui ont « étudié » le travail de Stevie Wonder et de Santana. Othmane Bali a même introduit, à la manière des Calypso antillais, des bidons d'huile et des jerricans d'essence. Du son, quoi ! Il est méfiant à l'égard de la télévision. « Je suis contre les clips. Je ne pourrai être d'accord que si le scénario est adapté à la chanson interprétée », nous a-t-il dit lors d'une rencontre à Djanet. Il nous a également confié toute sa peine de se sentir « oublié ». « On a toujours voulu nous folkloriser. On ressemble à la peinture rupestre et à l'acacia. Je suis marginalisé. Je pense que les médias aussi m'ont ignoré. Il n'est pas facile de réussir dans ce pays. C'est parfois l'enfer », a-t-il dit. Message hier de Khalida Toumi, ministre de la Culture : « Othmane Bali symbolisait pour beaucoup de jeunes la réussite par le travail, l'effort, l'attachement au patrimoine... » Dernier spectacle de l'artiste : mai 2005 à la salle Ibn Zeydoun, à Alger. Une invitation du Festival culturel européen ...