La tournée de la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, au Proche-Orient, à la veille de la dernière étape de Riyadh, aura été en deçà des attentes des populations arabes de la région, particulièrement des Palestiniens. Ces derniers s'attendaient sans doute à une déclaration de principe à propos de la relance du plan de paix, sur leurs droits nationaux, la libération des détenus dans les prisons israéliennes ou encore l'arrêt de l'implantation de colonies juives en Cisjordanie... Il n'en fut rien, bien au contraire, Mme Rice s'est bornée à demander aux Israéliens quelques « mesures substantielles », sans plus. Ceux-ci n'ont pas attendu que la secrétaire d'Etat américaine achève sa tournée pour annoncer, alors qu'elle se trouvait à Amman en Jordanie, la poursuite de colonisation en Cisjordanie et le lancement des travaux de nouvelles colonies, notamment à Maalé Adounim, non loin d'El Qods. Ce véritable pied de nez à Mme Rice ne fait que renforcer l'attitude de mépris israélienne en dépit des pseudos excuses formulées par les autorités de Tel Aviv après les révélations faites par la presse américaine à propos de la vente d'armes à la Chine. Dans la capitale jordanienne, elle n'a à aucun moment condamné la poursuite de la politique de colonisation du gouvernement d'Ariel Sharon, se limitant à formuler à demi-mots une désapprobation qui n'avait rien de tel, alors qu'elle a exigé beaucoup plus des Palestiniens. Poursuivant ses déclarations « fracassantes » concernant les réformes démocratiques dans les pays de région, elle n'a aucunement ménagé la Syrie et l'Iran où se déroule l'élection présidentielle, allant jusqu' à condamner la « cruauté organisée ‘‘du régime iranien''. Le peuple est en perte de patience avec un régime oppressif qui leur refuse leurs libertés et leurs droits », a-t-elle déclaré dans un discours prononcé à l'Université américaine au Caire devant un millier d'invités. Elle a également fustigé la Syrie, accusée d'héberger des « groupes engagés dans la violence en Irak au Liban et dans les territoires palestiniens ». Elle a toutefois reconnu en quelque sorte l'échec du pragmatisme de la politique étrangère américaine à l'égard du Moyen-Orient. « Pendant 60 ans, les Etats-Unis ont recherché la stabilité aux dépens de la démocratie au Proche-Orient, et nous n'avons accompli ni l'un ni l'autre », a-t-elle admis. « (...) Il y a ceux qui disent que la démocratie mène au chaos, au conflit et à la terreur. En fait, c'est le contraire qui est vrai : la liberté et la démocratie sont les seules idées assez influentes pour surmonter la haine, la division et la violence », a-t-elle souligné. Mais elle n'a pas moins pour autant distribué des satisfecit à l'égard des régimes de certains alliés stratégiques de l'Amérique, à l'instar de l'Egypte ou encore de l'Arabie Saoudite en formulant toutefois certains vœux pieux pour l'avenir dans ces deux pays. A propos de l'Egypte, elle a souligné que le « président Moubarak a ouvert la porte au changement. Mais maintenant le gouvernement doit faire confiance à son propre peuple ». « Nous nous inquiétons tous de l'avenir des réformes en Egypte, lorsque de pacifiques partisans de la démocratie, hommes et femmes, ne sont pas protégés de la violence », a martelé Mme Rice en allusion aux violences menées par des partisans du Parti national démocrate (PND, au pouvoir) contre des opposants et des journalistes lors du référendum du 25 mai. En Arabie Saoudite, « de braves citoyens réclament un gouvernement qui rendrait des comptes. Des premiers pas vers l'ouverture ont été pris avec les élections municipales. Toutefois, beaucoup de personnes continuent à payer un prix injuste pour l'exercice de leurs droits de base », a-t-elle affirmé. « Au Liban, les partisans de la démocratie demandent à être indépendants de leurs maîtres étrangers. Après l'assassinat de Rafic Hariri, des milliers de citoyens libanais ont appelé au changement », a souligné Mme Rice. A propos de l'Irak, elle a affirmé qu'« en dépit des violentes attaques (menées par) des hommes du mal, les Irakiens montrent davantage de courage personnel et de détermination remarquable ». Mme Rice a enfin accordé un satisfecit à la Jordanie en estimant que « les réformes de l'éducation dans ce pays sont un exemple pour la région ». L'ultime étape de Riyadh n'apportera sans aucun doute rien de nouveau pour ce qui est de l'attitude américaine à l'égard du Proche-Orient.