«La cassette devait sortir en avril 2001, tout était prêt et ce piratage a réduit tout cela à néant. Le préjudice causé est irrémédiable...», dixit Laroussi. Enfin, pour notre artiste Djamel Laroussi, justice vient d'être rendue pour stopper le piratage dont est victime le rossignol de «L'étoile filante, ya dellali»... En effet, la Cour d'Alger a ordonné que les ventes provenant de Soca-Edition soient suspendues et fassent l'objet d'une saisie jusqu'à décision pénale, nous apprend son avocate, maître Souad S.. Pour bien comprendre l'affaire, un rappel des faits s'impose. Pour cela, remontons un peu dans le temps. Ya djillali daoui hali est le refrain que vous avez dû certainement fredonner. Etoile filante en est le tube qui a incontestablement cartonné dès sa sortie durant l'année 2000, se plaçant n° 1 au classement du top d'El-Bahdja, notamment. Profitant du franc succès qu'enregistre ce titre, des gens «sans scrupules» se le sont «accaparé» pour en faire leur fond de commerce en l'écoulant sur le marché, sans l'autorisation de son auteur, le chanteur lui-même. Du «vol inqualifiable» qui dit clairement son nom: du piratage. Soca-Edition, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, fait éditer le single sur K7, intitulé Bonjour 2000. Il n'est mentionné nulle part le nom de l'auteur ni celui de la chanson, ce n'est qu'à l'écoute de la K7 qu'on se rend compte de son contenu. Insatiable, Soca fait éditer une deuxième K7 où figure toujours le single Etoile filante, un best of 2001. Cette fois-ci, une compilation des meilleurs titres de l'année, puis enfonçant le clou, cette même maison d'édition fait éditer ce même opus sous forme de CD. Lors de la tentative de règlement du litige à l'amiable, Soca avait justifié ces actes en disant qu'elle avait l'habitude de procéder de la sorte car «l'Algérie est de toutes façons une jungle» Il faut croire que ce n'est pas le cas. Seul tort qu'on pourrait faire à Djamel Laroussi, si c'en est un, c'est d'être implanté loin de son pays, en Allemagne, plus précisément. Cependant, aucune loi n'impose à l'artiste de s'inscrire chez l'ONDA car il faut savoir que l'ordonnance n°10 du 6 mars 1997, relative aux droits d'auteur et aux droits voisins, garanti la protection des droits de l'auteur ainsi que ses règles de gestion collectives. La protection est accordée quels que soient le genre, la forme et le mode d'expression même si celle-ci n'est pas fixée sur un support qui permet sa communication au public. Djamel Laroussi est dûment inscrit auprès de la GEMA, une société de droits d'auteur et de duplication mécanique, sise à Berlin, où il réside. Il existe par ailleurs une convention qui relie tous les pays les incitant à se respecter mutuellement. Ainsi, dès lors qu'une oeuvre est créée, elle a le mérite d'être protégée. De ce fait, ses droits sont protégés automatiquement. Là où le bât blesse, c'est que Soca-Edition est aussi implantée en Tunisie (un pays non encore doté d'une loi qui protège les droits d'auteur), ce qui laisse libre cours à l'enrichissement à peu de frais de «ces briseurs de l'art et de la créativité». Perfectionniste jusqu'au bout des doigts, artiste dans l'âme, Djamel Laroussi avait beaucoup donné de lui-même pour son nouvel album veillant au grain et aux moindres détails. C'est lui qui joue, faut-il le savoir, de tous les instruments sur cet album. Bien conscient des exigences de son public, il avait retardé sa sortie, afin d'offrir le meilleur de lui-même. «La préparation a duré une année. La K7 devait sortir en avril 2001, tout était prêt et ce piratage a réduit tout cela à néant. Le préjudice causé est irrémédiable car les K7 piratées ont été acquises par ceux qui auraient été susceptibles d'acheter ma production», explique avec dépit le chanteur. La tactique de Soca était simple, dès que la chanson a cartonné, elle l'a exploitée sous forme de cassette cocktail, ainsi la vente était assurée chez nous à 100 DA et à 35 DA pour la Tunisie. L'artiste victime, quoique surpris en trouvant son produit mis à la vente sans son consentement, se fera convaincre qu'il ne s'agit que d'une publicité gratuite que la société a bien voulu lui faire en diffusant son single au côté des grands tels que Faudel, Natacha Atlas, Garou, Céline Dion, Jennifer Lopez, Paul Johnson... Tout cela en prenant soin (dès lors que vous demandez des comptes), de se précipiter au bureau de l'ONDA pour se faire accorder une autorisation de pressage pour des succès déjà consommés depuis plus d'une année. Ainsi, elle obtiendra le droit à l'achat du timbre. Le coup est joué, enveloppé dans une mascarade totale sur le dos de l'artiste, nous explique maître S. Même si la reconnaissance de son public a été gratifiante, les frais de production tels que la location du studio et la rémunération des techniciens et des musiciens participant aux mixages, aux arrangements... sont une dette incontournable et pèsent lourd sur l'artiste sans déranger le pirate. Sensible et méticuleux comme tout vrai artiste, Djamel Laroussi a eu, enfin, gain de cause et quel soulagement pour lui au nom de tous les autres artistes malmenés, escroqués... Loin d'être une simple affaire de piratage en la prenant comme exemple, celle-ci doit nous amener à repenser une réelle politique de défense des artistes. Si d'un côté, la loi prône la défense de leurs droits, sur le terrain rien n'est acquis, car le manque à gagner est énorme. Comment faire pour qu'aucune affaire de ce genre ne vienne à se reproduire? Il est temps vraiment de mettre un terme à ces vils agissements qui fragilisent d'autant plus l'artiste, mettant son moral à rude épreuve et par ricochet sa créativité. Malmené déjà qu'il est déjà par tant d'obstacles au quotidien, en butte à des entraves bureaucratiques et autres, meurtri par une négligence et un laxisme dont il fait souvent l'objet, du peu d'intérêt qui lui est accordé par les autorités, son statut reste à définir et la liste des entraves est loin d'être exhaustive... Et dire que la pérennité d'un pays repose sur la solidité de sa culture! Aujourd'hui, justice a été faite dans le cas de Djamel Laroussi, mais ce n'est qu'un début, rappelons-le car nous sommes loin du dénouement de l'affaire... D'autres vont probablement arriver qui, on l'espère, seront traitées et jugées avec la même équité. Mais ce fléau du piratage sera-t-il un jour enfin endigué?