Sitôt connus les résultats de l'élection présidentielle, qui a vu la victoire de l'ultraconservateur maire de Téhéran, Mahmoud Ahmadinejad, les réactions des grandes puissances n'ont pas tardé à manifester des signes d'inquiétude à l'égard nouveau président de la République islamique, qui n'a jamais caché, depuis son avènement à la tête de la mairie de Téhéran, son hostilité à l'égard des Occidentaux et de tout ce qu'ils représentent. Le premier commentaire vient du département d'Etat américain, qui a estimé, dès les résultats officiellement connus, que l'Iran est « déphasé » par rapport à la tendance vers la liberté qui anime la région. « Avec la conclusion de l'élection en Iran, nous n'avons rien vu qui nous dissuade de penser que l'Iran est déphasé par rapport au reste de la région et aux tendances actuelles vers la liberté qui ont été si visibles en Irak, en Afghanistan et au Liban », a indiqué la porte-parole du département d'Etat, Joanne Moore. « Ces élections ont été défectueuses depuis leur début avec la décision de quelques personnes non élues de rejeter plus d'un millier de candidatures, dont celles des 93 femmes », a-t-elle ajouté. « Nous jugerons le régime sur ses actes. A la lumière de la façon dont ces élections se sont déroulées, cependant, nous restons sceptiques sur le fait que le régime iranien puisse se préoccuper des aspirations légitimes de son propre peuple comme des inquiétudes de la communauté internationale », a expliqué la porte-parole. « Les Etats-Unis croient dans le droit du peuple iranien à prendre ses propres décisions et à déterminer son propre avenir », a-t-elle souligné, affirmant que Washington était aux côtés des Iraniens dans leur lutte pour la liberté. Cette déclaration américaine « à chaud », rendue publique juste après l'annonce de la victoire de l'ultraconservateur maire de Téhéran et dont les proches et partisans ont comparé l'ampleur à l'effet dévastateur d'un tsunami qui risque de bouleverser la face de l'Iran et ses relations avec les Occidentaux, semble avoir surpris les Américains, si on en croit les termes mêmes du communiqué du département d'Etat, qui a préféré s'en tenir à des déclarations de principe. Le radicalisme dont ne s'est jamais caché Mahmoud Ahmadinejad face à la modération prônée par l'ancien Président, Akbar Rafsandjani, qui comptait rentabiliser en quelque sorte l'ouverture vers l'Occident initiée par l'ancien Président réformateur, Mohamad Khatami, fait qu'aujourd'hui les conservateurs ont désormais tous les leviers du pouvoir en main. Et c'est précisément de là que proviennent les appréhensions américaines. Pour leur part, les Européens, à travers l'Union européenne (UE), se sont dit « prêts à travailler avec tout gouvernement » iranien ouvert à des progrès sur les droits de l'homme, le nucléaire et ses autres préoccupations. Aussi bien Paris, Londres que Berlin ont émis le vœu que le nouveau Président fasse en sorte que le travail entamé avec les Européens en vue d'une suspension des activités nucléaires militaires iraniennes puisse se poursuivre. Le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw, est allé plus loin en déclarant qu'il espérait que l'Iran prendra des mesures rapides pour répondre aux craintes de la communauté internationale concernant son programme nucléaire, sa politique vis-à-vis du terrorisme, des droits de l'homme et du processus de paix au Proche-Orient. « Nous travaillerons dur, avec nos partenaires européens et de façon bilatérale, afin d'encourager l'Iran à agir dans ces domaines, afin que ce pays puisse retrouver sa juste place au sein de la communauté internationale », a ajouté M. Straw. Le ministre a regretté, par ailleurs, que l'élection présidentielle iranienne ait été entachée de « graves déficiences ». Par contre, la Russie a tenu à préciser les termes des relations qu'elle entend garder avec l'Iran et s'est dit prête à poursuivre sa coopération avec l'Iran dans le domaine de l'énergie nucléaire, mais elle respectera ses obligations en matière de non-prolifération des armes nucléaires, a déclaré le Président russe, Vladimir Poutine. Pour l'heure, c'est davantage le nucléaire militaire iranien qui semble être au cœur des préoccupations des capitales occidentales, et ceux, d'abord à travers les répercussions qu'il pourrait avoir sur l'équilibre stratégique des forces dans la région.