Depuis hier, Tony Blair, le Premier ministre britannique, assure au nom de son pays la présidence tournante de l'UE. Selon bon nombre d'observateurs, les six mois durant lesquels le Royaume-Uni va gérer l'union ne seront pas de tout repos pour le leader britannique ni pour ses homologues de l'UE. Blair a, en plus de la zizanie qu'il a semée lors du sommet de Bruxelles des 16 et 17 juin dans la confection du budget de l'union, réaffirmé sa conviction de réformer les perspectives de l'UE et de mettre, selon lui, le cap sur la modernité dans un monde en bouleversement, entendez : globalisation ou mondialisation de l'économie. Dans son discours devant le Parlement européen (PE) le 23 juin dernier, Tony Blair a annoncé les principaux axes de son programme. Il s'agit de donner la priorité à la recherche, aux nouvelles technologies et revoir, par conséquent, les contributions et affectations budgétaires de et pour chaque membre de l'UE. Difficile exercice pour le Britannique, lorsque l'on sait l'opposition ferme de Jaques Chirac, au nom de la France, à toute remise en cause, pour au moins les cinq années à venir, des 43% de parts de subventions dont son pays bénéficie dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC). Tony Blair, rappelons-le, s'est dit prêt à discuter du rabais (environ 5 milliards/an) dont son pays est dispensé en termes de contribution au budget européen, à la seule condition de remettre sur la table les subventions agricoles. Sur ce point, Blair a un avantage sur Chirac : son pays est le deuxième contributeur au budget de l'union, après l'Allemagne. La deuxième grande priorité du Royaume-Uni concernera la question de l'élargissement. Blair s'affirme comme un Européen convaincu et estime qu'il faut plus de soutien et d'accompagnement des 10 nouveaux Etats membres, et pour l'adhésion dans les temps, c'est-à-dire, dès le 1er janvier 2007, de la Roumanie et de la Bulgarie. De plus, et là il bouscule les opinions conservatrices de l'UE, il soutient l'entrée de la Turquie dans l'union. « Nous sommes fermement engagés pour cette l'adhésion (de la Turquie) », a déclaré jeudi dernier son ministre des Affaires étrangères, Jack Straw. Contrairement à ce qui est dit dans certains médias européens, Blair n'est pas seul à vouloir remettre en cause les « vieilles » habitudes européennes. Les Suédois, les Danois et même certains nouveaux membres, comme la Tchéquie et la Pologne, ne sont pas loin de la vision britannique. Le leader anglais a pris les devants sur ses détracteurs qui l'accusent d'un penchant strictement libéral, pour affirmer haut et fort : « Je veux une Europe moderne, libérale et sociale. » Il fait, ainsi, allusion aux deux référendums négatifs en France et aux Pays-Bas, vote par lequel les citoyens ont exprimé, entre autres, leurs revendications d'une Europe plus sociale. Le rejet par les Français et les Hollandais du projet constitutionnel européen a permis à Tony Blair de s'engouffrer dans la brèche pour revendiquer des réformes profondes dans les politiques de l'union. Quant à la crise budgétaire, Blair la relativise pour deux raisons simples. D'abord, il reste encore plus d'une année (décembre 2006) pour définir le budget 2007-2013, ensuite rien n'empêche l'union de s'accorder exceptionnellement sur un budget annuel afin de laisser le temps à un compromis pour le reste. Encore une fois, Tony Blair use des arguments de ses propres détracteurs pour défendre ses thèses. « L'Europe ne rêve plus », avait déclaré le président du PE après les deux référendums sur la Constitution. Et Blair de vouloir faire rêver l'Europe par une politique ambitieuse qui investit dans la recherche et la technologie pour son avenir. « L'Europe finance la politique du passé, alors qu'elle doit financer l'avenir », a ajouté le chef du groupe des libéraux au PE, l'Anglais Graham Watson. Et le leader britannique de déclarer : « S'il faut continuer à défendre un système qui maintient 20 millions de chômeurs. » Dans tous les cas, les six mois qui vont suivre réservent bien des surprises. Avec les législatives anticipées qui auront lieu bientôt en Allemagne et si, comme les sondages le prévoient, la CDU, parti conservateur, les remporte, le jeu des négociations n'en sera que plus complexe. L'Allemagne, premier contributeur de l'union, sera elle aussi plus regardante pour ses propres intérêts.