La journée de jeudi fera, sans aucun doute, date dans l'histoire des institutions de l'Union européenne (UE). En effet, venu présenter devant les eurodéputés les grandes lignes de son programme pour l'UE pour les six mois à venir, le Premier ministre britannique, Tony Blair, a provoqué un débat pour le moins inhabituel dans l'auguste institution européenne. Sur la forme, Tony Blair a considéré que « le débat sur l'Europe ne doit pas être conduit par des échanges d'insultes ou entre personnes... Et que l'UE ne vit pas une crise de ses institutions, mais une crise de direction politique ». Le Premier ministre britannique répondait ainsi à l'actuel président en exercice de l'union, le Luxembourgeois J.-Claude Juncker, qui avait déclaré devant les élus européens : « Je n'ai aucune envie d'être diplomatique lorsque l'Europe est en crise. » Cette crise dont il rend responsable le Royaume-Uni lors des négociations, la semaine dernière, sur le budget de l'union 2007-2013. Les députés ont, de leur côté, chauffé les débats, et la ligne qui sépare les « modernistes », ceux rangés derrière la vision britannique d'une Europe revue et corrigée, de ceux qualifiés de « conservateurs » n'a rien arrangé au problème de fonds. Daniel-Cohn Bendit, le chef du groupe des Verts au Parlement européen (PE), a carrément accusé Tony Blair de vouloir appliquer le modèle britannique à l'UE, au lieu de conduire un consensus politique au sein de l'union. Mais le Premier ministre anglais, loin de s'emporter, a répliqué, chose inattendue, avec les arguments de ses détracteurs qui l'accusent d'apôtre du libéralisme : « Je crois en une Europe avec une forte dimension sociale. Je n'accepterais jamais une Europe qui soit simplement un marché économique... Il est temps pour nous d'affronter la réalité, d'entendre le signal d'alarme. Les trompettes sonnent autour des murs de la citadelle. Est-ce que nous les écoutons ? » M. Blair a rappelé ainsi les votes négatifs français et hollandais sur le projet de Constitution européenne. C'est que le chef du gouvernement britannique sait que c'est principalement la France qui lui posera problème à l'avenir. La France qui ne veut ni ne peut abandonner son acquis de la politique agricole commune (PAC), qui lui réserve 40% du budget agricole sous forme de subventions. Tony Blair a été imparable sur ce sujet. « La PAC consomme 43% du budget européen pour 5% de la population active et génère 2% du PIB européen. » Et il ajoute que son pays est prêt à remettre en discussion le rabais (5 milliards d'euros/an) qui lui est accordé depuis 1984, pour peu que l'on rediscute la PAC. Dans la suite de l'échec du sommet européen des 16 et 17 juin dernier est apparue dans les débats du PE de ce jeudi comme une politique des axes. D'un côté, l'Angleterre soutenue par les Pays-Bas, la Suède et le Danemark, de l'autre, la France appuyée par l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, par exemple. Quant aux dix nouveaux membres de l'UE, à l'exception de la Tchéquie, ils sont déroutés par celui (Tony Blair) qu'ils ont suivi en 2003 lors de la guerre d'Irak. Les six mois durant lesquels M. Blair va présider l'UE vont bousculer bien des habitudes et des acquis.