Après quatre mois d'attente, la réaction officielle algérienne à la loi glorifiant le colonialisme français, notamment en Afrique du Nord, adoptée le 23 février 2005 par le Parlement français, s'est intensifiée ces derniers jours. Après la sortie, à deux reprises, du ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et le ministre des Moudjahidine, Mohamed-Chérif Abbas, se sont exprimés, à leur tour, sur la question. Ayant déclaré, mercredi dernier, que cette loi représente « une cécité mentale », le chef de l'Etat n'a pas raté l'opportunité de la tenue, hier à l'hôtel El Aurassi, du colloque sur « La naissance et l'évolution de l'Armée de libération nationale (ALN) » pour réaffirmer la position algérienne. « Nous devons être vigilants à l'égard de ces lois émanant du Parlement français et qui sont loin d'être innocentes », a-t-il lancé devant un parterre composé de personnalités historiques, d'historiens et d'anciens moudjahidine. C'est la deuxième fois en trois jours que le président Bouteflika s'élève contre les agissements d'une institution officielle et souveraine française. Prononçant un discours de près de 45 minutes, M. Bouteflika, après une rétrospective de la lutte du peuple algérien pour le recouvrement de son indépendance contre les diverses forces coloniales, notamment la France, s'est interrogé : « Comment un parlement peut glorifier une présence coloniale coupable de massacres contre un peuple entier et prétendre que cette présence a rendu service aux peuples colonisés ? » Et d'ajouter : « Peut-être ils ont goûté à des délices qui leur ont donné le délire. On va leur faire voir... » Le premier magistrat du pays a soulevé par la même occasion une remarque de taille : l'ignorance par la jeunesse algérienne de l'histoire de son propre pays. Pour lui, la nouvelle génération n'a retenu de l'histoire que les souvenirs du terrorisme. « La génération des années 1980 ne sait rien de l'histoire de son pays à part le terrorisme. Cette génération ne croit pas en l'Algérie. Elle n'a pas vu ce qui l'encouragera à s'attacher beaucoup plus à son pays », a-t-il précisé. Dans ce contexte, le président de la République a appelé à « serrer les rangs, à consolider la stabilité, à repousser toute tendance au mépris et au colonialisme, à rejeter les prétentions civilisatrices de ce dernier, à assumer et à accomplir le devoir dans le cadre de la véritable démocratie, à promouvoir la société dans sa diversité et son enrichissement, dans la complémentarité et en étant jaloux des intérêts du pays et du peuple et sensibles en permanence à la nécessité d'un renouveau des vues et des perspectives ». Prenant la parole juste après le président de la République, Mohamed-Chérif Abbas estime : « Ce sont les pieds-noirs qui sont derrière cette loi. » « Nous avons tourné la page, mais on n'a pas oublié. Nous représentons la frange des moudjahidine et nous sommes prêts pour la confrontation », a-t-il souligné. Sur un ton menaçant, Mohamed-Chérif Abbas lance : « Les positions vont jusqu'à diminuer les intérêts français en Algérie. S'ils persistent dans cette politique, nous mettrons un terme à leurs intérêts dans le pays. La rupture économique serait la dernière phase de la confrontation », a-t-il mis en garde.