La France est heurtée par l'onde de choc. La France a vacillé. Jacques Chirac a tenté hier de lui redonner l'équilibre nécessaire. Il entend «corriger» le propos des 184 députés qui ont refusé de modifier l'article 4 de la loi du 23 février 2005 prévoyant que «les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord». Il a confié au président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, une importante mission, celle de créer une commission pluraliste qui «devra écouter toutes les sensibilités et devra s'entourer d'historiens», pour rendre ses conclusions dans un délai de trois mois. Ceci conforte la thèse que la signature du traité d'amitié ne se fera pas dans les délais prévus. Par ailleurs, Chirac a ajouté avoir demandé également au gouvernement que la Fondation sur la mémoire prévue dans la loi du 23 février 2005 soit créée «dans les meilleurs délais». «Il faut maintenant que les esprits s'apaisent, il faut que vienne le temps d'une réflexion sereine dans le respect des prérogatives du Parlement, dans la fidélité à nos idéaux de justice, de tolérance et de respect, dans un esprit d'unité et de rassemblement», a conclu Jacques Chirac. Cette annonce appuie celle du Premier ministre, Dominique de Villepin qui, lors de son intervention, avant-hier, sur les ondes de la Radio France Inter, a déclaré que «ce n'est pas au Parlement d'écrire l'Histoire (...) Il y a des souffrances qu'il faut prendre en compte, qu'il faut écouter. Il y a des mots qui peuvent blesser, il y a une histoire dont il faut se souvenir ». Il faut «que des gestes soient faits qui permettent véritablement d'avancer tous ensemble» a-t-il ajouté. Il a estimé qu'il revient à «l'inspection générale de l'Education nationale de faire les programmes» et que «les enseignants sont libres dans le cadre de ces programmes de leur enseignement». M.De Villepin a ajouté que les Français devaient «regarder (leur) histoire en face » et comprendre « surtout les questions qui dérangent». Il faut savoir que c'est au rapporteur de cette loi controversée, Christian Kert (UMP, Bouches-du-Rhône) qu'incombe désormais la tâche de concrétiser le scénario de sortie de crise. C'est le ministère délégué aux anciens combattants qui oeuvrera au mea culpa en accélérant la publication du décret d'application de l'article 3 de la loi du 23 février qui prévoit la mise en place d'une Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie. Le texte sera rédigé de sorte que ladite Fondation aura entre autres missions la recherche sur les programmes scolaires et universitaires, permettant au rapporteur de déposer une nouvelle proposition de loi, faisant référence à cette Fondation, et rendant ainsi caduque l'application de l'article 4 qui a suscité une énorme indignation en Algérie mais aussi en Martinique. Cependant, en France même, les réactions ont été vives, notamment au sein du Parti socialiste, du Parti communiste et de l'UDF dont les députés ont réclamé, mais en vain, l'abrogation de l'article éhonté. D'ailleurs, le député Jean-Marc Ayrault, au nom du groupe socialiste, a aussitôt réagi à l'annonce par Jacques Chirac d'une mission pour apaiser la polémique autour de la colonisation en affirmant que le préalable demeure «l'abrogation» de l'article 4. Il faut le dire, toutes ces déclarations s'inscrivent dans une démarche stratégique. La loi glorifiant la colonisation a été très mal ressentie dans notre pays. Les officiels et la société civile algériens sont vertement montés au créneau. Du coup, les premiers hommes de l'Hexagone ont flairé le danger qui guette la signature du traité d'amitié que l'Algérie et la France devraient signer avant la fin de l'année, c'est-à-dire dans les quinze jours qui viennent! La France officielle s'y agrippe mordicus et ses hauts responsables ne cessent d'en parler à chaque occasion et à chacune de leur sortie médiatique. En outre, par ce Traité, la France cherche le renforcement de sa position aussi bien au Maghreb qu'en Afrique. Reste à rappeler que le ministre algérien des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, a estimé la semaine dernière que «le traité d'amitié ne sera pas signé dans l'immédiat». Cette déclaration émanant du chef de la diplomatie algérienne n'est en effet pas fortuite. Elle confirme la répercussion négative de la fameuse loi glorifiant le colonialisme sur les Algériens. Laquelle loi a d'ailleurs été sévèrement critiquée par aussi bien l'APN (Assemblée populaire nationale) que par le Conseil de la nation. Celui-ci, dans un communiqué rendu public, a regretté « profondément que la majorité de l'Assemblée nationale française n'ait pas saisi l'occasion de l'examen de l'amendement visant à abroger l'article 4, le 29 novembre dernier, pour rétablir la vérité historique sur la nature du colonialisme». Ainsi, après ces sorties médiatiques successives, on peut se demander dans quelle mesure on va réellement vers une abrogation de la loi de la honte.