Le palais du Dey, baptisé Dar Essoltane par les Casbadji, est bâti en l'an 1516, sur les remparts de Bab Edjedid, sur une décision de Baba Arroudj.Au-delà de la grille, ce fortin militaire d'une force de cinq batteries de défense est implanté sur une surface de 1,3 ha. Cette splendeur d'antan est aménagée en siège de l'administration, à l'avènement du dey Hussein à la tête de la régence en 1818. Les artilleries numérotées 3 et 4 sont chargées de la garde du palais du Dey. Les canons 1 et 2 veillent sur la sécurité de la demeure des beys. Le palais des Beys sert de pied-à-terre aux beys du Titterie, d'Oran et de Constantine. C'est l'équivalent de la contemporaine résidence El Mithaq. Le palais, qui fait le bonheur des touristes, est situé à la rue du chahid Taleb Abderrahmne. Un détroit créé par l'autorité coloniale en 1842, à la suite de la brèche perpétrée de façon éhontée dans le parc des Autruches et le jardin d'hiver du palais. Le palais est ouvert au public, en dépit des travaux toujours en cours.Nourreddine Meftah, archéologue et responsable de la circonscription d'Alger au niveau de l'Agence nationale de l'archéologie, a bien voulu nous guider dans ces lambeaux de l'histoire figés dans le temps. Le glissement de terrain qui menaçait ce chef-d'œuvre, a nécessité en 1985, le recours à un bureau d'études polonais, en l'occurrence PKZ. Les travaux de restauration ont été confiés à l'EBA, une entreprise de construction aujourd'hui dissoute, sans pour autant recourir à une étude diagnostiques. M. Meftah se veut pragmatique : « Les prémices d'une renaissance de cet ouvrage requéraient a priori une action curative et une conservation préventive. » Un groupe pluridisciplinaire, composé essentiellement de professionnels du terroir, cultive le même amour de la pierre. L'équipe veille à la conservation de ce petit coin d'éden, qui touche un peu au sacré. « L'embellissement nécessite des procédés d'urgence. Nous employons de petits artisans, que nous nous efforçons de former au contact de l'action curative et la conservation préventive. Les matériaux, qui s'égrènent doucement et où le temps a fait des ravages, sont entreposés minutieusement pour une utilisation appropriée. » Nous poursuivons notre visite sur les empreintes du mythe, qui nous conduit à la poudrière. « La poudrerie est unique au Maghreb et même dans le monde arabe. Les indices sont malheureusement peu bavards sur le procédé de fabrication de la poudre », précise notre interlocuteur. Il est difficile d'échapper au vertige de la nostalgie lorsqu'on visite la « moucharabieh » (le repos des femmes), entièrement refaite à neuf. Les casemates (la chambrée) protègent l'accès aux fortifications, fragilisées par le temps et secouées par le séisme du 21 mai 2003. Des cordons de fer, ceint les murailles pour les empêcher de s'écrouler sur les maisons avoisinantes. La vue est telle un plongeon sur la mer avec son décor de carte postale, unissant l'ensemble de la Grande Mosquée, la mosquée Ketchaoua, Dar Hassan Pacha et Dar Khedaouedj el Aâmia. Les fours de la « khaïma » (cuisines) et de la boulangerie se sont éteints à tout jamais sur les secrets gastronomiques de l'époque. Le quartier des Janissaires est constitué des haras, du foyer et d'un hammam. Cet assortiment citadin exhale une robustesse et une sérénité à la mesure de la puissance de l'ancien pouvoir ottoman. Les ouvertures dans le mur de façade du harem se limitent exclusivement à des trous. Deux colonnes de marbre sont posées dans le ouestdar du palais du Dey. Ces jalons évoquent le diwan (le cabinet administratif) où a eu lieu le mytique coup de l'éventail. Les équipements et la tuyauterie du hammam el kebir ont été mis à sec. Une précision de taille : « 170 familles ont élu domicile au lendemain de l'indépendance, avant qu'elles ne soient délogées en 1975. » La protection du patrimoine de toute une nation commande uniquement l'œil expérimenté de nos archéologues. Alors seule une action volontariste des plus hautes autorités du pays viendra à bout des dissensions, qui empiètent sur les prérogatives des uns et des autres. La Citadelle d'Alger ne se raconte pas, elle se vit. La preuve, elle continue de drainer des visiteurs étrangers.