Tindouf, 11 h. Le mercure frôle les 48°C à l'ombre dans cette région désertique en ce début de juillet. L'un après l'autre, les commerçants commencent déjà à baisser rideau. Les rares citoyens, en majorité des jeunes militaires, qui se promenaient encore dans les rues de la ville, à cette heure-ci, commencent, eux aussi, à s'évaporer dans la nature. Il est midi, aucune âme dans les principales artères de la ville. Le rythme des chantiers de la ville va au ralenti. De rares véhicules 4x4 circulent encore pour les besoins de service. Ainsi s'arrête la vie à Tindouf pour reprendre plus tard... avant la tombée de la nuit, vers 18 h. L'heure est à la « gayla » pour les Tindoufiens, mais pas pour le jeune Saïd, venu de Kabylie en quête d'un moyen de survie. Un emploi. Après avoir fait ses premiers essais dans la maçonnerie, Saïd, programmeur en informatique de son état, a dû, dès son arrivée à Tindouf, s'investir dans la vente des cigarettes. Debout tout près de sa « tabla », ce jeune Kabyle de 21 ans de la région d'Assi Youcef (Boghni) attend malgré la chaleur caniculaire d'éventuels clients. Même si ces derniers, qui risquent alors une insolation, se font rares. Saïd, qui a atterri dans cette région grâce à l'un de ses proches (un restaurateur), affirme que ce qui l'a poussé à choisir ce « métier », c'est le gain. « La vente des cigarettes me rapporte beaucoup de bénéfices », dit-il fièrement, non sans regret d'avoir quitté la Kabylie. Comme lui, nombreux sont ceux parmi la population des principales tribus de Tindouf (les R'guibat et les Jakana) qui, après avoir cherché vainement un emploi, se sont investis dans ce créneau, en l'occurrence le commerce illicite (le trabendo) de la cigarette. Les rues de Tindouf sont inondées de revendeurs de tabac. En réalité, il n'est un secret pour personne que la région de Tindouf constitue une zone de transit de la contrebande de cigarettes et de stupéfiants. Ainsi, le marché de la cigarette constitue pour une bonne partie de la population, dans cette wilaya qui compte 38 093 habitants et où le taux de chômage atteignait les 22,07% au 31 décembre 2004, une source de vie. S'intégrant dans un ensemble désertique, fortement dominé par la hamada, la wilaya de Tindouf ne dispose pas de tissu industriel. Les principales ressources de cette wilaya, située à l'extrême sud-ouest du pays, n'émanent principalement que du budget qui lui est alloué et de quelques faibles impôts. « Le budget de la wilaya de Tindouf équivaut à celui du fonds réservé à la jeunesse et des sports de la wilaya d'Illizi qui représente 7% du budget de cette wilaya », a soutenu un responsable de la wilaya. Selon le chef de cabinet de la wilaya, « les infrastructures existent mais il y a absence de moyens ». Des moyens permettant l'exploitation des potentialités de la wilaya. Tindouf ou Tindfes, concept cité par le célèbre historien musulman Aboubakr El Bekri, referme en effet de larges potentialités et leur exploitation pourrait bouleverser le développement économique et social de la région. En plus de 11 carrières d'agrégats, la wilaya recèle des gisements de substances utiles métalliques et non métalliques importantes. Compte tenu de la diversité des ressources naturelles et l'existence d'appoint, le secteur offre des opportunités d'investissement dans les différents domaines de l'activité économique. L'exploitation de ces substances utiles est un élément prépondérant dans la dynamique du développement durable de la wilaya et permettra, sans aucun doute, la promotion de l'emploi et l'émergence des centres de vie ainsi que l'amélioration des revenus. L'activité agricole reste également très faible et ne répond pas aux besoins de la population en pleine croissance, bien que la wilaya dispose d'une superficie agricole (SAT) cadastrée. Elle se limite seulement à quatre périmètres et ne représente qu'une infime portion de la SAT soit 0,01. Selon le chef de cabinet de la wilaya, la superficie exploitée est de 431 ha, dont 74,13% sont destinés à la phœniciculture, 13,11% pour l'arboriculture fruitière, 5,10% pour le maraîchage et 3,02% pour le fourrage. Quatre périmètres ont été créés, selon la même source, dans le cadre de l'Accession à la propriété foncière agricole (APFA) et attribués pour répondre essentiellement aux besoins de la population locale. Les infrastructures touristiques sont également faibles. Il est de ce fait illusoire de parler de vacances à Tindouf. Cette ville ne dispose que d'une piscine olympique et d'un bassin de natation pour une population à majorité jeune (80%). Du coup, en raison du manque de cybercafés - le peu qui existe ferme à cause d'une faible connexion-, les jeunes n'ont d'autre destination durant la journée que les cafés de la ville pour une partie de domino. Le départ sous d'autres cieux ou vers les régions du Tell durant la saison estivale reste aussi un rêve pour les Tindoufiens. La cherté des billets d'avion en est l'une des principales raisons. Selon un responsable à Air Algérie, à Tindouf, « l'activité a beaucoup baissé du fait de la cherté du billet ». La compagnie Air Algérie dans cette localité, selon ce même responsable, ne travaille qu'avec les vols charters, notamment pour le transport des enfants de la RASD vers l'Espagne. Du 15 juin au 12 juillet, 52 vols ont été programmés.
