La situation dans les territoires palestiniens, déjà marquée par la précarité et l'incertitude, est devenue, ces deux derniers jours, très dangereuse. L'on peut dire en quelque sorte qu'Israël a atteint son objectif de susciter, d'entretenir et d'exacerber les contradictions ou plus simplement les oppositions entre Palestiniens. Résultat, c'est le recours aux armes, et des Palestiniens sont tués par d'autres Palestiniens. Hier, on en dénombrait au moins 2 tués et 25 autres, dont 9 policiers, blessés lors de nouveaux heurts entre policiers palestiniens et militants armés du Hamas dans la ville de Ghaza. Ces affrontements, qui secouaient la bande de Ghaza pour la deuxième journée consécutive, surviennent alors que le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, est sur place pour tenter d'imposer son autorité aux groupes armés, à un mois du retrait israélien prévu de ce territoire. Des policiers et des membres des services de sécurité ont échangé des tirs avec des membres du mouvement Hamas dans trois quartiers de la ville, alors que les forces palestiniennes sont en état d'alerte depuis les tirs, jeudi, de roquettes à partir de Ghaza contre Israël. Trois transports de troupes blindés légers de la police ont été incendiés par des éléments du Hamas pendant les heurts. Des pneus ont été brûlés. La veille, 5 membres du Hamas ont été blessés dans des accrochages avec les policiers qui voulaient les empêcher de tirer des roquettes contre Israël. Deux civils ont été aussi blessés. Immédiatement après les tirs de roquettes qui ont tué une Israélienne, jeudi, le ministre de l'Intérieur palestinien, Nasr Youssef, a annoncé que « des ordres avaient été donnés aux services de sécurité d'empêcher, par la force si besoin, les tirs de roquettes et d'obus de mortier » contre des objectifs israéliens. Le Hamas a réclamé hier « le limogeage » de M. Youssef. « Au lieu d'ordonner aux forces de sécurité de défendre notre peuple face à l'agression sioniste, le ministre de l'Intérieur ordonne de recourir aux armes et de tirer sur les moudjahidine (combattants). » Un porte-parole du Hamas, Mouchir Al Masri, a averti que son mouvement était déterminé à affronter les forces de sécurité. « Toute main qui se lèvera contre la résistance, ses armes et ses combattants est une main sioniste que nous couperons. » Les tirs de roquettes sur Israël avaient été revendiqués dans des communiqués séparés par le Hamas et les Brigades des martyrs d'Al Aqsa, un groupe armé lié au Fatah, le mouvement de M. Abbas, mais autonome. Dans la nuit de jeudi à vendredi, des hélicoptères israéliens ont mené trois raids près du camp de réfugiés de Jabaliya dans le nord de la bande de Ghaza, visant un centre culturel contrôlé par le Hamas. Malgré l'alerte palestinienne et les raids israéliens, des roquettes ont été de nouveau tirées contre Israël, hier matin, mais sans faire de victime. Mais comme il y a un début à tout, il y a lieu de retenir qu'une telle situation était fortement appréhendée. Et l'opération armée de mercredi n'était que le signe évident de ce climat de désespoir qui caractérise de très nombreux Palestiniens. Ces derniers considèrent, à titre d'exemple, que la trêve en vigueur depuis février dernier ne profite qu'à Israël, tandis qu'un plan politique, c'est véritablement l'impasse. Plus que cela, les Palestiniens, toutes tendances confondues, se considèrent comme les victimes d'une véritable supercherie, avec ce retrait israélien de la bande de Ghaza, présenté comme une concession majeure, mais qui ne constitue en aucun cas un processus de paix, et surtout pas un substitut à la Feuille de route, ce plan de paix international qui prévoyait pour cette année la proclamation d'un Etat palestinien indépendant. Cette perspective a été reportée avec le consentement tacite de la communauté internationale. Et Mahmoud Abbas, qui avait pour mission de faire la paix, en est aujourd'hui à jouer au pompier. Mais il sait que sa marge de manœuvre est extrêmement étroite, et lui-même disait, avant le début de cet été, qu'il était hors de question de retirer ses armes à la résistance.