Il n'est plus un seul festival où, faute de long métrage fiction made in Algeria, on ne retrouve les mêmes jeunes auteurs de courts. A Locarno, dans la section assez discrète des « Léopards de demain », il y a Liès Salem et ses Cousines et Karim Bensalah et Le Secret de Fatima. Ces petits films très bien faits sont désormais l'image de marque du cinéma algérien. Ils occupent en fait une place à part dans les manifestations internationales et bénéficient d'un soutien qu'on accorde au cinéma d'auteur. Quel film repartira de Locarno recouvert de lauriers (pardon d'or) ? On ne le sait pas encore. Dans la section « Compétition », il y a les premières et secondes œuvres, celles du Japonais Jun Ichikawa, de l'Iranien Hassan Yaktaparah, de la Française Laeticia Masson ou du Sud-Africain Ian Gabriel. Très attendu, et sans doute un lauréat possible, c'est le film indien Black Friday, de Anurag Kashyap. Lequel est l'un des auteurs les plus prolifiques en Inde actuellement aussi bien à la télévision qu'au cinéma. Il s'est formé en Amérique sur des superproductions américaines tournées à Hollywood comme assistant réalisateur. Anurag Kashyap a adapté Black Friday (vendredi noir) du livre d'un journaliste (Hussein Zaïdi) qui dissèque et explore les attaques intercommunautaires à Bombay en 1993. Une ville aussi immense que tolérante est soudain en proie à des émeutes, entre Hindous et musulmans. Des affrontements qui ont laissé des milliers de morts et de blessés et des dégâts considérables. Dans la rétrospective News Front, un film italien très récent, produit par la Rai, a fait une énorme impression au Festival de Locarno. Il s'agit d'Iralia Alpi, il piu crudele del giorno, signé Fernandino Vicentini Orguani. C'est une fiction basée sur des faits tragiques et réels. Le 20 mars 1994, une journaliste italienne, reporter à la Rai Iralia Alpi, et son cameraman Milan Hrovatin, sont assassinés dans leur voiture à Mogadiscio, capitale occupée et en guerre de la Somalie. Reconstituant les trente jours qui ont précédé le drame, le réalisateur, par le biais de la fiction, essaye d'établir les causes de ce double assassinat. On découvre que le jeune reporter avait suivi à la trace les mouvements des bateaux d'une grande compagnie maritime italienne et avait mis le doigt sur un trafic d'armes et de déchets radioactifs dont le port de Mogadiscio était l'épicentre. Iralia Alpi et Milan Hrovatin avaient commencé leur enquête dans les Balkans en guerre et l'avaient poursuivie en Somalie pour dévoiler peu à peu le côté sordide de la politique (internationale) qui se présente surtout comme « humanitaire ». Pour avoir découvert ce qui se tramait en coulisses dans les Balkans et en Somalie, les deux journalistes le payeront de leur vie. Les parents d'Iralia Alpi ont beaucoup agi, intenté des procès sans fin, mais ils n'ont abouti à rien. Top secret, toute cette affaire, pour les autorités italiennes. Cependant, la récente sortie du film en Italie a énormément secoué le public, et une commission d'enquête parlementaire a été finalement désignée pour rechercher les causes et les complicités dans cette affaire. Le grand écrivain somalien Nourredine Farah déclarait récemment que son pays était devenu un enfer, le degré zéro de l'humanité. L'occupation étrangère et la guerre civile ont laissé le pays en ruine. On est loin des images de propagande (italienne) où l'on voyait Sophia Loren donner de l'eau et du lait aux enfants de Somalie...