Trois milliards de litres de lait sont annuellement consommés par les Algériens. Dans cette gigantesque voie lactée, le lait stérilisé UHT (traitement à ultrahaute température) tente de se frayer une place. Quelque 37 millions de litres de ce type ont pu trouver preneur dans le marché. La part arrachée est visiblement encore maigre. Comment la brique UHT cédée chez les détaillants à 47 DA compte-t-elle détrôner le sachet traditionnel de lait pasteurisé vendu presque deux fois moins ? La SARL Tchin-lait, entrée en exploitation sous franchise Candia en mai 2001 et basée à Béjaïa, est le pourvoyeur principal du marché UHT (elle accapare 90% de la catégorie). Ses prétentions commerciales sont impulsées par un argumentaire solidement charpenté par les paramètres de qualité, de variété et d'innocuité dans la longue conservation. Sur le plan qualitatif, le lait UHT, tel que produit par l'entreprise Tchin-lait, est un mélange d'eau adoucie à une dureté inférieure à 15 degrés et de poudre de lait de qualité telle que prédéfinie par le leader européen du lait Candia. Les pondérations matières grasses, extraits secs sont l'objet d'un contrôle, selon M. Benmouhoub, directeur du laboratoire de l'usine, au niveau du premier mélange pour vérifier « si l'on n'a pas mouillé » le produit. Sur le plan de la variété, Candia veut davantage pénétrer dans les ménages en modulant la composition de ses produits en fonction des apports nutritionnels que nécessitent telle morphologie et telle déficience chez le consommateur. On a, en ce sens, le choix entre le lait constitué entier, le lait partiellement écrémé, le lait au chocolat et le lait additionné à du jus de fruits. Candia veut également gagner la confiance du consommateur en l'amenant à prendre option chez son épicier pour un lait qui a l'avantage de se conserver à température ambiante puisque n'obligeant pas à un maintien de la chaîne de froid comparativement au lait pasteurisé. L'argument est de taille lorsque le client fait le constat, hiver comme été, de bacs de lait pasteurisé étalés à même les trottoirs alors que la réglementation fixe la vente au consommateur à une température inférieure à 6°C. Le tetra-pack, emballage actuellement importé de Suède, est un contenant formé de 5 couches de matières différentes, stérilisé à l'eau oxygénée puis chauffé et essoré ; la stérilisation UHT et le conditionnement en aseptique permettent une longue conservation hors réfrigération. La longue conservation devient, au vu de la réalité de notre marché, un atout qui peut à la longue jouer sur un réflexe de choix favorable chez le client. L'évolution des volumes des productions chez Tchin-lait laisse entrevoir une sensible croissance de la part qu'il occupe dans le marché algérien. Nouvelle gamme de produits Des 5 millions de litres réalisés en 2001, elle passe à 34 millions de litres en 2004. L'appétit s'aiguise encore puisque des 200 000 l actuellement produits chaque jour, la capacité de production passera d'ici à septembre au double, comme annoncé par les responsables de la société. Candia-Béjaïa ambitionne de manifester une plus grande présence en remettant bientôt sur les étagères des épiciers et des supérettes le lait en poudre conditionné en boîte de 500 g importé en l'état, dans un premier temps, et qui sortira ensuite en 2006 de l'usine, en cours d'aménagement dans la périphérie d'Alger. Les autres produits qui seront bientôt lancés sont le lait de croissance deuxième âge conditionné à l'état liquide, actuellement en phase d'essai gustatif (produit à Béjaïa) et les laits de croissance 1er et 3e âges, en poudre importés bientôt pour être revendus en l'état. Enfin, la gamme sera enrichie d'une panoplie de laits et jus aux arômes assez variés. Il reste que le prix de vente public est un élément peu persuasif. Les récentes détarifications douanières (ramenées de 5% à 0% pour la poudre de lait et de 30 à 15% pour l'emballage) ont laissé espérer une baisse des prix, mais l'ascenseur est vite repris par les hausses en électricité, gaz, eau et carburants, entrant dans la composition des coûts à la production. Tchin-lait a essayé d'un autre côté d'exporter ses produits. Une timide incursion a été opérée en 2002 dans le marché libyen (réalisant un chiffre d'affaires de 13,4 millions de dinars). M. Berkati, le gérant de la société, parle de manque flagrant d'incitations à l'exportation. En plus de contraintes bureaucratiques, notre interlocuteur relèvera une insuffisance de facilitations dans la participation aux foires extérieures. « Il faut enfin, préconisera-t-il, laisser les gens exporter eux-mêmes », allusion faite aux tracasseries administratives et aux intermédiaires freinant l'intention d'exporter. La régulation du marché libre, appelée à recevoir un remodelage du fait de l'adhésion à l'OMC, doit intégrer, selon les vœux de M. Berkati, « des barrières pour ne pas subir les contrecoups d'une concurrence à l'actif de produits de mauvaise qualité » mis sur le marché sans agréage.