L'Union européenne (UE) vient de commettre une erreur majeure, et elle n'est pas la première du genre dans le cas de l'accord de pêche qui vient d'être signé avec le Maroc. Celui-ci n'est que la prorogation d'accords antérieurs dénoncés déjà en leur temps par le Front Polisario aussi rigoureux dans sa démarche à l'inverse des Européens qui cherchent au moins à faire valoir leurs intérêts dans leur sens le plus étroit sans tenir compte des conséquences autres que marchandes. L'inclusion dans cet accord des eaux territoriales saharouies est d'une extrême gravité, parce que si l'Europe continue à procurer du travail à ses pêcheurs contraints du fait de la politique communautaire aux quotas, et que le citoyen européen continue à avoir du poisson dans ses repas, le Maroc quant à lui engrangera des bénéfices politiques en ce sens qu'il s'agira pour lui d'une reconnaissance de fait de son occupation du Sahara-Occidental. Et dire que l'Europe admet qu'il y a un conflit, dont le règlement est pris en charge par les Nations unies. Mais les affaires peuvent conduire au pire. Cela rappelle ce vieux dicton selon lequel l'argent n'a pas d'odeur. Mais là, il en a une, celle ce l'injustice que l'Europe vient de commettre à l'endroit du peuple sahraoui. Dans sa réaction à cet accord, le Front Polisario partie au conflit, l'autre étant le Maroc, affirme que celui-ci, signé jeudi entre l'UE et le Maroc, « n'a aucune base légale », car « incluant les territoires sahraouis ». Le Polisario rappelle aussi avoir « mis en garde le Maroc et l'UE avant la signature de cet accord contraire à toutes les décisions internationales, alors que le Sahara (occidental) est en phase de décolonisation », a déclaré un porte-parole sahraoui. Jeudi, l'UE et le Maroc ont signé un nouvel accord de pêche, valable quatre ans, qui autorise, à partir du 1er mars 2006, 119 bateaux européens à pêcher dans les eaux marocaines - dans la limite d'un quota annuel de 60 000 t -, contre une compensation de 144 millions d'euros pour le Maroc sur cette période. L'accord stipule l'inclusion de « la côte Atlantique sous souveraineté et juridiction du Maroc », et très certainement, cela s'est fait à la demande de ce pays alors même que l'ONU refuse de lui reconnaître le statut de puissance administrante. Pour faire valoir ses intérêts, l'Europe, et rien que pour cela, lui a octroyé le statut sans fondement légal d'autorité de fait. Ce que récuse le simple bon sens, ainsi que les lois internationales. pour le Polisario, « toute exploitation des ressources naturelles du Sahara-Occidental constitue une violation de la légalité internationale », a remarqué M. Slimane, observant que l'accord marque « une forme de participation de l'UE à l'entreprise de pillage des ressources naturelles du Sahara-Occidental ». Dès vendredi, rappelle-t-on, le représentant du Front Polisario en Espagne, Brahim Ghali, a qualifié l'accord de pêche d'« illégal et injuste » et en contradiction « flagrante » avec le droit international. « Cet accord ne contribue pas à la solution politique (du conflit) ni à la paix et à la sécurité dans la région et entrave l'action du nouvel envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies au Sahara-Occidental, Pieter Van Walsum, dans la recherche d'une solution juste, durable et définitive », a encore estimé M. Slimane. Déplorant que le gouvernement espagnol ait joué un « rôle déterminant » dans la conclusion de cet accord, il a ajouté que le Polisario lançait « un appel au Parlement, aux partis politiques et à l'opinion publique espagnole pour œuvrer avec nous afin que l'entrée en vigueur de l'accord soit gelée ». Le Maroc et l'UE étaient liés, avant 1999, par un accord de pêche en vertu duquel quelque 600 bateaux européens, en majorité espagnols, opéraient au large des côtes marocaines en contrepartie d'un versement de 100 millions d'euros environ par an au royaume chérifien. A quoi joue alors l'Europe qui se prévaut de valeurs universelles, mais qu'elle même bafoue pour quelques euros. L'opinion internationale est alors en droit de se demander ce que comportent les différents accords qui lient l'Europe au Maroc. Pourtant, rappellent nombre d'observateurs, les Etats-Unis avaient refusé d'inclure les territoires du Sahara-Occidental dans leur accord avec le Maroc sur la zone de libre-échange. Un coup dur pour ce pays qui entendait étendre ses frontières vers le Sud. D'autres pays européens, comme la Norvège, qui n'est pas membre de l'UE, a elle aussi mis fin à certaines activités de recherche pétrolière qui auraient constitué un flagrant part pris. Elle a fait son choix. Mais l'Europe, malgré les discours, a fait également le sien. Celui-ci est lourd de dangers.