Cause budget, Tifour et sa famille se sont installés pour le mois d'août à Aït Voutchour, pittoresque village de Kabylie, dans une vallée chaude au milieu de nulle part. Bien accueillis par les sages grâce à la formule magique « pouvoir assassin », la famille Tifour s'est tout de suite intégrée, bien que ne parlant pas kabyle, ou alors comme tout le monde. Le premier soir d'ailleurs, une petite fille d'une dizaine d'années en qardoune et robe kabyle a frappé à sa porte, apportant un plat dans une assiette en signe de bienvenue. Tu veux manger un peu de gendarme aux herbes ? lui a demandé la fillette avec un air innocent des montagnes. Le temps de comprendre les bouts de viande qui flottaient dans une sauce rouge et verte, Tifour a un mouvement de recul. Mais non, je plaisante, lui fait la fille avec un sourire moqueur. C'est du bon bœuf de la région. Très tendre. Ajoutant, avec la même innocence : Tendre comme un bébé gendarme. Tifour a ri et a remercié la fillette qui s'en est allée dans la nuit étoilée avec ses petits pieds. C'était qui ? a crié Nadia du fond de sa cuisine sommaire. Une charmante fillette qui a amené un plat de bienvenue. Ça tombe bien, la bouteille de gaz est vide. C'est ainsi que toute la famille a dîné à la lumière d'une bougie. Puis Nadia a lavé l'assiette pour la rendre à la fillette et, comme le veut la tradition, l'a remplie de quelques piles A3, d'une ampoule 60 watts et d'une pastille de prise à moustiques. La première nuit à Aït Voutchour s'est bien passée et à part une petite manifestation de zaches vite réprimée, aucun incident n'a été signalé. Tifour, il faut que tu ailles chercher du gaz, a dit Nadia au réveil. C'est en sortant de la maison après un café au feu de chaise que Tifour s'est rendu compte de l'ampleur de la tâche. Dans une région aussi explosive et soumise à des perturbations comme les délestages de Sonelgaz et les ruptures d'approvisionnement en butane, où trouver une bouteille de gaz ?