Lorsqu'on évoque El Kala et sa région, on imagine tout naturellement l'azur de la Méditerranée accolé par un rivage doré à l'émeraude des subéraies qui escaladent jusqu'au lointain les montagnes bleuies par l'horizon. On pense au rouge vif du corail qui en fait la réputation, à ses fruits de mer étincelants qui font courir les gourmets et, pour ceux qui les avaient déjà découverts, aux paysages aquatiques d'une contrée restée fraîche et ombragée dans un coin de cette Afrique du Nord que les clichés font sèche et aride. Restée longtemps une province éloignée du vaste département de Bône, la mise au jour massive de la région d'El Kala s'est produite dans la première moitié de la décennie 1980, lorsqu'elle est devenue pour des milliers d'Algériens privés de sortie, une étape incontournable sur la voie royale vers la Tunisie, Eldorado de l'époque, devenu brusquement accessible pour les gens du peuple. Oubliée jusque-là, elle est subitement élevée par le discours politique au rang de région touristique pour se transformer en un pôle du tourisme balnéaire version locale. La seconde vague massive d'estivants se produira douze ans plus tard, lorsque des milliers de vacanciers pourchassés sur les rivages du pays par les hordes barbares, viendront chercher leur rafraîchissement estival dans l'extrême nord-est relativement épargné. Depuis, El Kala est une destination de vacances pour des milliers de nationaux toutes catégories confondues, familles, groupes de jeunes, colonies de vacances... La population d'El Kala triple, dit-on sans donner de précisions sur les chiffres, ce qui la porte à près de 50 000 habitants. Les autorités locales citent des chiffres astronomiques en millions de journées pour frapper les esprits sur la circonscription dont ils ont la charge mais, aussi, moins claironnants, pour se disculper de leur incapacité à réguler les flux et la fréquentation aussi bien en ville que sur les plages. Le rush de l'été se fait pour et vers les plages. Pourtant, la mer et ses plaisirs sont loin de constituer les seuls attraits d'une région divinement gâtée par ses richesses naturelles et culturelles et qui sont autant de curiosités pour le simple quidam, pour l'amateur ou pour le naturaliste passionné. Toute l'année, autour de la ville, on peut encore, mais peut-être plus pour longtemps au rythme où on défonce la nature, découvrir de magnifiques paysages sauvages typiques de la Méditerranée qui, elle-même, est une exception à la surface de la planète. Les subéraies qui courent sur les flancs des montagnes jusqu'au rivage, du moins pour celles qui sont restées en bon état en échappant aux incendies et aux défrichements, abritent une faune et une flore dont le tiers est considéré comme rarissime donc précieux. C'est par exemple le seul endroit de la Méditerranée, avec une portion du littoral turc interdit d'accès parce que zone militaire placée sous l'œil vigilant de l'Otan, où l'on trouve encore un maquis littoral de chênes kermès qui a gardé tous ces aspects originels et où le faucon d'Eléonore et l'aigle pêcheur, des espèces en voie de disparition qui font courir les ornithologues du monde entier, trouvent encore les conditions pour nicher. On ne peut malheureusement plus en dire autant des espèces phares comme le phoque moine ou des deux espèces de grandes tortues marines qui fréquentaient nos côtes, il y a encore une vingtaine d'années. Les pays, à l'instar de la Grèce, qui ont pris sérieusement les précautions pour protéger leur habitat en font aujourd'hui le cœur de leurs activités touristiques. Et ça rapporte gros !