Les amateurs du chant chaâbi ont religieusement suivi, trois jours durant, le festival qu'organise pour la troisième fois l'APC de Mostaganem. Programmé du 8 au 10 août au niveau du théâtre en plein air, la manifestation a réellement drainé les grandes foules. En effet, pendant 3 soirées consécutives, jeunes et moins jeunes, en famille ou en groupes de copains, se serreront sur les gradins pour écouter les poèmes les plus sublimes du genre, interprétés par des chanteurs confirmés, mais également par de jeunes amateurs.i quelques interprètes connus n'ont pas daigné répondre à l'invitation du comité des fêtes, ce ne sera pas le cas des Algérois Kobbi et Chaou et d'un panel de chanteurs mostaganémois, dont le plus illustre du genre, le maître incontesté Maâzouz Bouadjadj, qui devra attendre patiemment son tour, sagement installé au premier rang. Une sagesse proverbiale qui pourrait lui jouer des tours dans la mesure où son récital qui était tant attendu n'interviendra qu'à l'ultime soirée, et de surcroît à une heure indue. Une programmation que l'on justifie par l'imposante stature du maître, mais dont l'âge ne supporte plus les longues nuits d'antan. Ce qui ne l'empêchera pas de régaler les 2000 spectateurs qui s'étaient entassés sur les inconfortables gradins. Majestueusememt accompagné par l'orchestre, Maâzouz Bouadjadj puisera dans le riche répertoire de Benslimane. Ce prolifique et non moins moralisateur poète marocain qui s'illustra par l'inimitable Daâ Sabri qu'un certain Hadj Mhamed El Anka gravera en lettres d'or dans le registre du chant chaâbi en l'an de grâce 1965, dans l'immense salle Atlas de Bab El Oued. A l'occasion de cette soirée, le maître mostaganémois fera le choix de deux poèmes tout aussi célèbres. Il s'agit de Saki Baki et de Ya Ahl Ezzine El Fassi qu'il enrobera dans une mélodie inédite, dont il garde jalousement le secret. Car c'est là un de ses traits de génie qu'aucun imitateur ne pourra égaler. Durant cette soirée de clôture qu'entamera avec beaucoup d'abnégation Maâmar Benachir, les organisateurs inviteront pour un court instant le vétéran Kaïd Benhenda qui, à plus de 80 ans, aura droit à la place du cheikh et à un public inespéré. En effet, c'est grâce à l'entremise de quelques amis que cet ancien musicien sortira de son insoutenable délabrement pour avoir droit à quelques égards. Sensibilisés à l'intolérable déchéance dans laquelle survivait cet authentique mélomane, les organisateurs accepteront de bonne grâce que cette édition lui soit dédiée. Le jeune public l'adoptera sans hésitation malgré une sono exécrable, dont il ne s'accommodera pas. Une des nombreuses lacunes qui continuent de coller à ce festival, dont l'institutionnalisation est remisée de manière récurrente. En effet, alors que cette manifestation ne cesse de prendre de l'étoffe, il demeure incompréhensible que des professionnels et des amateurs soient admis à parité. Pour cela, il faudrait, comme le soulignera un membre actif du milieu associatif qui milite pour la promotion de la culture, que les nombreux amateurs du chant chaâbi puissent trouver un lieu d'expression qui leur soit totalement acquis. Car persister à mélanger les genres finira par dénaturer totalement l'esprit de cette manifestation qui devrait se consacrer à la découverte ou à la consécration de nouveaux talents. D'autant que le public, comme le soutiendra Abdelkader Khaldi - qui ne ratera aucune soirée tout juste pour se ressourcer - ne cesse de manifester son intérêt envers un genre musical que l'on disait en déperdition. Un véritable festival avec son règlement intérieur et son jury drainera à n'en pas douter les multiples vocations qui végètent aussi bien dans l'Algérois que dans des cités aussi inattendues que Skikda ou Ghardaïa. Notons, pour cette édition, le retour après 15 années d'exil intérieur du talentueux Mohamed Kharbab. En puriste convaincu, il interprétera devant un public charmé les meilleures mélodies. Celles qui ont de tout temps baigné l'enfance de tout habitant de Tigditt et de Titalguine.