Akbar Hachemi Rafsandjani, un des plus hauts dirigeants iraniens, a indiqué hier que la reprise d'activités nucléaires ultra-sensibles était « irréversible ». Il a, par ailleurs, mis en garde contre les « conditions nouvelles » régionales créées par l'Occident qui s'oppose aux projets de l'Iran. « Gardez à l'esprit que vous ne traiterez pas l'Iran comme l'Irak ou la Libye », a aussi lancé l'ancien chef de l'Etat à l'adresse des Occidentaux lors de son sermon à la prière hebdomadaire à Téhéran. Les mots de celui qui dirige le Conseil de discernement du régime, la plus haute instance d'arbitrage du pouvoir, ont été salués par la foule avec « Mort à l'Amérique », « Mort à Israël » et « Dieu est grand ». Plusieurs centaines de personnes ont manifesté après la prière, revendiquant le droit au nucléaire. L'ayatollah Rafsandjani s'exprimait au lendemain de l'adoption par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) d'une résolution pressant l'Iran de revenir à une suspension totale de toutes ses activités relatives à l'enrichissement d'uranium. L'Iran a redémarré le 8 août son usine de conversion d'Ispahan, bravant la réprobation occidentale. Pour les Occidentaux, rendus suspicieux par 18 années de dissimulations iraniennes, laisser Téhéran convertir et enrichir l'uranium représente un risque de prolifération. Ces activités produisent le combustible pour les centrales civiles, mais peuvent être détournées pour fabriquer l'arme nucléaire. « Vous pouvez essayer de faire traîner les choses, mais la décision de l'Iran est irréversible », a dit Akbar Hachemi Rafsandjani, battu au second tour de l'élection présidentielle, le 24 juin, par l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. Il s'est de nouveau réclamé du droit de l'Iran à l'enrichissement en vertu du Traité de non-prolifération. Il a répété que les activités relancées lundi représentaient la partie la moins sensible du cycle de production de combustible et que tout se déroulait sous le strict contrôle de l'AIEA. « Personne ne peut se montrer plus transparent que nous », a insisté M. Rafsandjani, mais « il est évident que nous ne pouvons pas établir la confiance », quoi que fasse l'Iran. Mais il a mis en garde contre les conséquences. « Ne prenez pas à la légère ce qui s'est passé à l'AIEA », a-t-il exhorté les fidèles, « c'est crucial, cela crée de nouvelles conditions pour notre pays et pour la région, cela tourne une nouvelle page dans l'histoire de la Révolution islamique ». « Cela pourrait leur coûter cher », a-t-il dit, paraissant jouer de la menace de durcissement de la part d'un pays qui joue un rôle important en Irak, en Afghanistan et dans le Golfe, et prépondérant dans l'approvisionnement en pétrole. L'Iran n'a cessé de proclamer que sa décision de relancer l'usine d'Ispahan était « irréversible », au risque de se retrouver devant le Conseil de sécurité de l'ONU. Le directeur général de l'AIEA, l'agence onusienne de non-prolifération, Mohamed El Baradei, devra soumettre d'ici le 3 septembre prochain un rapport complet sur les activités iraniennes, en vue d'une nouvelle réunion qui pourrait examiner un recours à l'ONU si l'Iran ne se conforme pas aux exigences internationales. Les dirigeants iraniens ont affirmé leur volonté de poursuivre les négociations avec les Européens et de maintenir le contrôle de l'AIEA sur le programme nucléaire, ainsi que, pour le moment, la suspension de l'enrichissement proprement dit, dont la conversion est le préalable. Mais, les conservateurs, qui ont repris tous les pouvoirs avec la victoire de M. Ahmadinejad, ont considérablement durci le ton. Avant l'adoption à l'AIEA du projet de résolution européen, le vice-président de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique, Mohammad Saïdi, avait prévenu qu'elle rendrait « caduc » l'accord fixant le cadre des négociations entre l'Iran et l'UE. A rappeler que l'Iran a rejeté la résolution adoptée, jeudi dernier, par l'AIEA, lui demandant de suspendre ses activités nucléaires. Téhéran a qualifié la position de l'AIEA de « résolution politique adoptée sous la pression des Etats-Unis et de leurs alliés ». « Cette résolution politique (...) adoptée sous la pression des Etats-Unis et de leurs alliés (...) n'a pas de base juridique et de logique, et elle est inacceptable », a déclaré Hamid Reza Assefi, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Il a ajouté que les trois pays européens avaient agi « contrairement aux négociations de ces deux dernières années et aux accords » entre les deux parties. « L'Iran ne renonce pas à ses droits légitimes et insiste toujours pour avoir la maîtrise de la technologie nucléaire civile », a-t-il encore affirmé.