Pour les Occidentaux, l'enrichissement est une «ligne rouge» à ne pas franchir. Les Européens, à la veille de discussions sur un recours possible au Conseil de sécurité de l'ONU, étaient en étroites consultations mercredi avec les Américains exaspérés, eux aussi, de la reprise par l'Iran de recherches nucléaires sur l'enrichissement d'uranium. La France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne (UE3), qui devraient renoncer à de nouveaux contacts prévus le 18 janvier avec les Iraniens à Vienne, se retrouvent jeudi à Berlin avec le Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère, Javier Solana. «Le transfert du dossier au Conseil de sécurité de l'ONU sera la priorité des discussions», selon le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw. Le ministre allemand des Affaires étrangères Frank Walter Steinmeier, a précisé mercredi, qu'après la rencontre à Berlin de la troïka, un entretien téléphonique avec la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice était prévu jeudi. «On parle ensuite d'une réunion extraordinaire du conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea) dans une quinzaine de jours», a déclaré mercredi un diplomate occidental à Vienne. Dans un rapport mardi aux 35 Etats du conseil, l'exécutif politique de l'Aiea, son directeur Mohamed El Baradei, a indiqué que l'Iran comptait tester l'enrichissement d'uranium par centrifugeuses «à petite échelle» au centre de Natanz (centre). Il a exprimé «sa profonde inquiétude». Les scellés de l'agence onusienne devaient être entièrement enlevés d'ici mercredi de Natanz et de deux autres sites, selon M.El Baradei, qui a déploré à nouveau que Téhéran ne fasse pas toute la lumière pour convaincre le monde de la nature pacifique de ses programmes nucléaires. Pour les Occidentaux, l'enrichissement est une «ligne rouge» à ne pas franchir sous peine de risquer une saisine du Conseil de sécurité, habilité à décréter des sanctions. Fin septembre, le conseil des gouverneurs s'était donné le droit de saisir le Conseil de sécurité, en jugeant déjà que l'Iran avait violé «ses obligations» découlant du Traité de non-prolifération (TNP). Malgré les réticences de la Russie et de la Chine, Washington assure avoir assez de voix pour un tel recours. Même si le TNP autorise l'enrichissement d'uranium - un droit qu'a fermement rappelé jeudi l'ancien président iranien Akbar Hachemi Rafsandjani - le conseil des gouverneurs a réclamé par résolution de l'Iran qu'il maintienne la suspension des activités liées à l'enrichissement depuis deux ans. L'uranium enrichi peut en effet avoir des applications civiles mais aussi militaires. Un diplomate proche de l'Aiea a cependant noté mercredi que les Iraniens avaient besoin d' «un certain temps» avant de commencer des essais d'enrichissement à partir de gaz UF6 (hexafluorure d'uranium): «Il leur faut assembler les équipements, vérifier leur qualité, etc.», selon cette source. L'administration Bush a dit être en «contact étroit» avec ses partenaires, à commencer par les trois grands Européens. Mais les Etats-Unis ne cachent plus leur impatience à l'égard des négociations menées depuis un an par l'UE3. «Nous avons soutenu les efforts de l'UE-3 parce que nous pensions qu'ils allaient aboutir au résultat escompté, qui était d'empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire», a déclaré mardi le porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack, parlant pour la première fois du soutien américain à l'imparfait. De toute façon, «nous pensons que tout ceci va se finir au Conseil de sécurité à cause du comportement de l'Iran dans le passé», a conclu M.McCormack, en faisant référence à 18 ans d'activités clandestines nucléaires iraniennes. Le chancelier autrichien Wolfgang Schùssel, président en exercice de l'Union européenne, a estimé mardi soir que la décision de l'Iran «nuit à la paix mondiale». Le Japon, malgré sa dépendance pétrolière vis-à-vis de l'Iran, a même «appelé fermement» ce pays «à cesser immédiatement» ses activités ultra sensibles et à respecter les résolutions de l'Aiea. La Russie a aussi fait part de son «inquiétude» mardi et demandé aux Iraniens de «maintenir le moratoire» sur l'enrichissement. Les Russes proposent une formule de compromis pour que l'uranium iranien soit enrichi hors de leur territoire, ce que Téhéran a refusé jusqu'ici.