De mémoire de Batnéen, jamais la ville et la région n'ont connu une telle canicule. Il faut dire que les feux de forêt, qui ne sont toujours pas tout à fait maîtrisés, constituent un véritable brasier pour la capitale des Aurès. Un séchoir en hiver, quand les sommets sont couverts de neige, le vent souffle à moins - 15 °C, et en été, une véritable lessiveuse (tabouna), comme disent les Batnéens. Cinquième ville au niveau national par son nombre d'habitants, la capitale des Aurès n'a pas une seule salle de cinéma ouverte, en dépit de quelques tentatives inhibées par une bureaucratie en place depuis le 11e siècle. Des jardins publics, sans pelouse, sachant qu'ils étaient fermés des années durant. Quant aux bancs publics, ils sont en tubes carrés en « acier » : plaque chauffante l'été, congélateur l'hiver. L'ombre, on ne sait pas ce que c'est ; les arbres nains, plantés il y a une vingtaine d'années, n'ont pas encore donné de résultats. Qui a choisi cette race de platanes ?... Par ce mois d'août, les journées sont longues. A 8h, il commence à faire chaud. A part les cafés et les cybercafés, un créneau où Batna se porte bien au hit-parade national en nombre et prix (45 DA l'heure), même si certains propriétaires d'un autre âge vendent sous le manteau un CD qui remet en cause et nie les quelques pas de l'homme sur la Lune (sans rire). Aussi un dessin d'un homme et d'une femme, barré au marqueur rouge, indique l'interdiction de la mixité dans les lieux, des cybers pour mâles ! Que faire ?! La plage la plus proche est à 250 km. En dépit d'une bonne pluviométrie, deux saisons de suite, les jerricans sont toujours un compagnon fidèle, et certains quartiers sont entre soif et menace des MTH, tels que Bouakal, Douar Laâtache, Kechida. Le barrage Koudiet Lemdouar entre Timgad et Chemora est plein à ras bord, mais il faut encore attendre, car l'étude et encore moins la réalisation de la conduite d'eau pour alimenter Batna et ses environs vient à peine de démarrer. ça ne se passe pas ainsi sous d'autres cieux, mais là aussi, comme pour les arbres nains, on ne connaît pas le responsable ou les responsables. La nouvelle chanson chaouie, officielle et politiquement correcte, envahit le marché. Les sujets de discussion ne manquent pas dans les cafés maures... entre autres la mort du festival de Timgad. Le tournage d'une feuilleton consacré au chantre de la chanson chaouie Aïssa El Djarmouni fait beaucoup de mécontents, et on s'attend à un bide (Fatma n'Soumeur est encore dans les esprits), les agressions à l'arme blanche, dont le nombre des victimes ne cesse de grandir, la dernière n'est autre que le chef d'agence d'Air Algérie. Mais aussi des entorses portées aux habitudes. On n'attend plus la fin de semaine pour se marier.Les familles, fractions et tribus se donnent la réplique aux allées Ben Boulaïd. Le cortège le plus long, le mieux garni : le nombre de Mercedes, motos de grosse cylindrée, nombre de photographes et cameramen, mais l'atout majeur c'est la Touareg de Volkswagen : je l'ai donc j'existe, même pour quelques instants. Ce n'est plus un moyen de transport mais un rang social. Terminus. Plusieurs fois des cortèges de joie, de fête se transforment en cortèges funéraires, à cause des excès et des inconscients. L'usage des fusils et la vitesse en sont la première cause. Un jeune homme de 23 ans a laissé la vie sur la route d'El Madher, après deux jours de l'obtention de son permis de conduire, il était parmi les invités, un jour après comme si de rien n'était. Les intoxications alimentaires sont au bout de la cuillère ! Pas une fois pas deux, des évacuations nocturnes et en masse vers le CHU de Batna se font, car des invités d'un soir ne font pas attention aux mets douteux, mais surtout aux salades arrosées aux eaux usées, et c'est un secret de Polichinelle, mais là on sait qui, sauf qu'on ne fait rien. Les responsables de la culture changent, partent, reviennent, repartent, mais la situation est la même, elle empire même. Moudir ou rabi kbir ne suffit pas, c'est le courage, l'audace, la culture et le devoir de servir qui manquent. Batna un été 2005, il ne se passe pas grand-chose, mais on vous tient informé.