« On se rappelle des alladjias qui prenaient le relais des maçamaâte pour embaumer les instants nocturnes des convives qui venaient partager l'heureux événement », nous dit un vieux Casbadji qui se remémore un doux passé, qui n'a réussi à conserver, malheureusement, que quelques bribes de ces volutes musicales. Certes, tout le monde a le droit d'être heureux, a fortiori lorsqu'il s'agit de partager l'atmosphère des épousailles, mais « je ne peux souscrire à une certaine ambiance, une certaine gêne causée au voisinage », observe-t-il. L'agression acoustique a gagné, en effet, les fêtes de mariage, ce qui a généré un certain déplaisir chez beaucoup de gens, ajuste-t-il. Une impression qui ne nous fait pas moins revisiter la maxime de La Rochefoucauld qui dit qu'« il y a de bons mariages, mais il n'y en a point de délicieux ». Et khalti Baya de prendre le relais : « Où sont passés les épigones de Fadhila Dziria, Meriem Fakkaï et Seloua dont les belles paroles étaient accompagnées d'une musique raffinée. » Une vieille femme commente l'ambiance d'un wedding party dans laquelle elle dit ne pas se reconnaître. « A présent, dit-elle, nous assistons à des fêtes de mariage où le raï et les chansonnettes sportives ont le vent en poupe (...) La gent féminine donne l'impression de décompresser dans une sorte de délire où la musique est non seulement devenue cacophonique, mais dévalorisante », maugrée une autre femme au sortir d'une salle des fêtes sur les hauteurs d'Alger. Signe des temps ! « La nouvelle vague déferlante ne s'accommode plus de la rzana », lance un vieux qui manifeste son désaccord concernant les nouveaux tubes débités lors des soirées sur les terrasses des édifices de La Casbah, de Bab El Oued, de Belcourt ou d'El Harrach. Au point de bousculer les bonnes convenances et les bonnes manières que d'aucuns assimilent davantage à un boucan en porte-à-faux avec le savoir-vivre. Un son de cloche qui n'est pas partagé avec les jeunes. « Pourvu qu'il y ait des twayich et du houl », nous lance Fouad qui s'attelle à mettre en place la sono de sa machine où le must des cheb et chabate est repris en chœur lors d'une soirée bruyante. Même le répertoire mouloudéen, qui n'a rien à voir avec la circonstance, donne matière à jubiler. Des youyous fusent d'une terrasse et se rendent complices du tonnerre de bruits discordants provoqués par la sono et le mouvement frétillant des jeunes en mal d'exutoire. Une génération qui se cherche peut-être. En quête de ce qui l'emballe. Et peu importe ce que pensent les uns et les autres sur le phénomène de la déferlante raïmania. L'essentiel pour elle, c'est de vibrer au rythme de la fête.